Quand la friperie se réinvente

Il est commun de trouver des friperies à Lille. Il en est moins d’en trouver une ambulante. C’est pourtant ce que fait Blanche Lhomme, 25 ans, à bord de sa caravane vintage. « L’Armoire de Mamé », c’est le nom de ce projet moderne.

Blanche Lhomme, accompagnée de son fidèle compagnon à quatre pattes, nous accueille par un temps de fin d’automne bien au chaud dans son atelier. Grand sourire, elle nous propose une tasse de café, avant que son chien ne s’assoie sur elle. Ce petit canidé s’appelle Orval et accompagne partout sa propriétaire : « Je l’ai récupéré sur internet, via les réseaux sociaux. Il n’était pas sevré. C’est un vrai pot de colle, il est toujours en demande de câlins et d’attention. Mais c’est important qu’il soit à mes côtés. » Amoureuse des animaux et de la couture, son petit chien partage sa vie. Notamment son quotidien entre fils, tissus et machines à coudre.

« J’ai adoré faire ça, mais il n’y avait pas ce côté créatif. Cela ne me correspondait pas »

En témoigne son cursus, Blanche a eu du mal à trouver sa voie. Une attitude qui n’est pas sans rappeler les mouvements de va et vient de son chien entre mes genoux et les siens. Titulaire d’un Bac ST2S, elle essaie plusieurs possibilités sans jamais s’y attarder. La liste est longue : BTS ESF, fac d’Arras, jobs en intérims, CDI chez Salad&Co, assistante manager dans un bar à bière à Grenoble ou encore CAP fleuriste. Pour ce dernier, les mains déliées, elle s’exprime : « J’ai adoré faire ça, mais il n’y avait pas ce côté créatif que l’on imagine. Cela ne me correspondait pas. » Tout en regardant son chien, elle confie : « Mes beaux-parents m’ont demandé de me concentrer sur ce que je voulais vraiment. En tant qu’amoureuse des animaux, j’ai essayé le métier d’auxiliaire vétérinaire. Mais une nouvelle fois, je ne me suis pas vu faire ça toute ma vie. ». Les discussions avec ses proches vont finalement l’amener à ouvrir une friperie. « Tous m’ont dit que j’avais un look incroyable mais aussi un certain talent pour trouver de bons vêtements. C’est eux qui ont eu l’idée d’une boutique de seconde main. » Blanche va donc suivre une formation en apprentissage avec l’association Les Récoupettes. Les débuts ne sont pas tout rose. « J’ai fait beaucoup de tests. Je me suis rendu compte qu’il y a une différence entre chiner pour des copains ou pour des inconnus. »

« Il n’y a pas d’horaires quand on est entrepreneur »

Ces limites, elle va les ressentir aussi au sujet de son appartement : trop petit et en désordre. Depuis cet été, Blanche a son propre atelier que l’on peut retrouver rue Boissy d’Anglas. Elle conserve ses tissus dans la pièce où nous nous trouvons. C’est par un « coup de cœur » que le propriétaire a validé son dossier. « Sa femme est également fan de seconde main » dit-elle, justement au moment où cette dame, vêtue d’un style vintage, passe dans son atelier.

Et les relations avec les autres, c’est de là que vient le nom de sa société. « Quand j’étais petite, je partais avec mes grands-parents dans le sud. On allait chez une dame appelée Mamé Hélène. C’était une dame très chic, élégante, elle était toujours bien apprêtée. J’ai voulu lui rendre hommage à travers le nom de la friperie. » Blanche conserve son héritage à travers son style qui reflète sa personnalité chaleureuse et pétillante : vêtements colorés, bijoux, lunettes vintages. Le dos se redressant, elle nous fait part des valeurs qui guident son travail mais aussi sa façon d’être : « Le local, l’éthique, l’authenticité, l’écologie et… la couleur ! » s’exclame-t-elle après avoir hésité pendant quelques secondes.

L’originalité et authenticité de la friperie se retrouve également par sa caravane qui fait écho à sa jeunesse. A la recherche d’un moyen pour moins se fatiguer et stocker plus facilement, Blanche avait plusieurs alternatives. Mais elle n’a jamais retrouvé le même sentiment d’attache qu’avec cette caravane. « Sans le savoir, j’ai acheté le même modèle que celui de mon enfance. Ça m’a donc semblé être un signe du destin. »

Aujourd’hui auto-entrepreneur, Blanche adapte son emploi du temps comme elle le souhaite. « Il n’y a pas d’horaires de travail quand on est entrepreneur. » rigole-t-elle en caressant le petit chien qui, a son grand bonheur, profite au maximum de sa maîtresse.

« Plus qu’un style, je cherche vraiment la qualité »

L’Armoire de Mamé a désormais grandi, et touche aussi à la customisation et l’upcycling qui laissent plus de place à la grande imagination de Blanche. Elle recherche les pièces et tissus les plus proches de son souhait. « Je chine pièce par pièce, je regarde sur chaque vêtement les étiquettes. Il faut que ce soit écrit made in Europe. Il est nécessaire qu’il y ait des éléments en fibres naturelles : coton, soie, laine, lin ». Dans sa boutique, on peut retrouver un panel important de vêtements d’époque remis au goût du jour. « Il y a de tout ! Essentiellement pour femme. La gamme varie en fonction de la demande et des saisons ». Pour ce qui est de sa pièce préférée, c’est le pantalon thaïlandais. « C’est ce que je préfère faire. C’est un vêtement unisexe et multi-taille adapté à toutes les morphologies. Agréable à porter, c’est aussi un plaisir à fabriquer. »

« Les rencontres avec les gens et leurs compliments sont vraiment appréciables »

Le plaisir, elle le trouve aussi dans des moments hors du temps qu’elle a baptisé « les bonheurs de l’Armoire de Mamé ». Le sourire aux lèvres, elle revient sur une journée qui l’a marquée. « Lors d’une vente à Vitry-en-Artois, j’entends une mère et une fille dire « Oh punaise on est à côté de l’Armoire de Mamé ! » dit-elle en imitant la voix de la dame. Elle reprend dans un rire : « J’avais l’impression d’être une star, elles me suivaient depuis mes débuts ». Aujourd’hui, elle vend beaucoup de ses créations ou de ses produits par son site internet, ce qui lui fait perdre ce lien, ce contact. Mais elle a tenu à conserver une certaine transparence avec un système de prix éthique. « J’affiche le prix auquel j’ai acheté la pièce de base et de tout ce qu’il y a dans le prix. C’est à double tranchant, tout le monde ne comprend pas. A contrario, d’autres personnes me disent que c’est vraiment bien et que cela devrait plus se faire. »