L’Assiette Mijotée, c’est une cantine solidaire crée en 2022, et qui est installée à Wazemmes, au 48, rue Barthélémy Delespaul. Un projet solidaire et intergénérationnel conçu par une Chti au grand cœur. Rencontre avec la fondatrice de cette cantine, Sabine Freumeu.
Une bonne odeur de poulet basquaise se mêle à celle des produits nettoyants. Quelques tasses et des verres trainent encore sur les tables. Sabine Freumeu, qui astique ses dernières marmites, ne perd rien de sa bonne humeur en cette fin de service. Autant qu’elle s’en souvienne, cette Lilloise de naissance a toujours été attirée par la cuisine : « ma passion pour les plats mijotés me vient de mon père. Il cuisinait les weekends pendant des heures », se rappelle-t-elle. A 16 ans tout juste, sans diplôme, elle décide de travailler dans l’hôtellerie et la restauration. « Ça m’a toujours tenté. En plus, je savais que dans ces métiers, je pouvais évoluer ».
Au fur à mesure des années, Sabine va se professionnaliser : CAP Cuisine, BAC professionnel cuisine et enfin un BTS gérant de restauration collective. Elle commence à travailler, propose une cuisine traditionnelle, « les bons produits frais font partie de ma conception de la restauration ». En 2010, pour Sabine, c’est une année compliquée : elle décide de faire une pause et de réfléchir sur ce qu’elle souhaite vraiment faire de sa vie : « je me suis rendue compte que ce qui comptait pour moi c’était certes la restauration, mais aussi aider les autres ».
Restait à chercher un projet qui associe les deux. Elle avoue avoir trouvé son idée en s’inspirant d’un concept similaire à Rouen « une sorte d’Assiette Mijotée sous forme de self et de cuisine africaine, destinée à un foyer de réfugié ». Elle décide d’importer ce concept à Lille, en le modifiant à sa sauce : « une bonne cuisine traditionnelle, de nos régions, comme celle que faisaient nos grands-parents, avec des grandes tablées familiales pour recréer du lien social ».
« Plus de 50 repas cuisinés dans mon 37 m2 »
L’espoir de voir naître cette belle idée se concrétise pour Sabine en 2022. La MEL, en partenariat avec Nord Actif, lance un appel à projet sur l’alimentaire et le bien-être intitulé Un coup de fourchette pour demain. Sabine saute sur l’occasion et tente sa chance. « Parmi 15 projets, ils en ont choisi 2, dont le mien », confie-t-elle fièrement. Chaque lundi pendant 11 mois, à la Margelle, une salle paroissiale, Sabine prépare des repas. Beaucoup de repas. Le local n’avait pas de cuisine, « je servais plus de 50 personnes dans 37m2, c’était un travail de titan ».
C’est un succès. Ravie, elle constate que son Assiette Mijotée fonctionne et que son projet contribue à créer du lien social entre les clients. Un jour, la mairie de quartier lui propose le local du 48, rue Barthélémy Delespaul, anciennement un tiers-lieu. « Il se trouve que je connaissais ce lieu, j’avais toujours pensé que c’était un endroit parfait pour abriter l’Assiette Mijotée ! Je n’ai pas hésité une seule seconde ».
Le 2 octobre 2023, la cantine solidaire ouvre ses portes à sa nouvelle adresse. Sabine a organisé son emploi du temps : « J’ouvre les lundi, mardi et mercredi. Résultat : le dimanche, je passe mon temps à cuisiner. Mes spécialités ? La moussaka, le poulet basquaise, la saucisse de Toulouse et la mousse au chocolat en dessert ».
« Tu ouvres la porte, tu viens et tu t’installes »
Côté clients, Sabine n’a pas à se plaindre. Le concept de la fondatrice de l’Assiette Mijotée et ses prix -6.50€ le plat et 3€ le dessert- attirent de nombreux gourmands : habitants du quartier, retraités, actifs, étudiants … « Tout le monde est le bienvenu ! Il n’y a aucune condition, tu ouvres la porte, tu viens et tu t’installes ». Trois fois par semaine, elle sert 50 à 70 repas entre 11h30 et 18h. « Certains jours, je dois refuser du monde, il ne me reste plus rien en cuisine ». La chef avoue être touchée par le comportement des clients qui se sont appropriés le lieu :« ils reviennent et ils mettent des choses en place, ils décorent l’endroit ». Elle admet que son projet fonctionne également grâce à la dizaine de bénévoles qui l’entourent et dont « quasi aucun ne vient de la restauration ». Annie témoigne : « moi, j’étais d’abord cliente avant d’être bénévole ». Pascal ajoute : « avec Sabine, on s’est rencontrés sur les ronds points au moment des gilets jaunes, on a fait du théâtre ensemble, on a même joué dans une pièce : gilet au bout de mes rêves ».
Quant à Sabine, elle se réjouit de travailler en si bonne compagnie : « Je ne gère rien, ils s’organisent entre eux. Cela me soulage car le rythme est tendu pour la soixantenaire que je suis : du dimanche au mercredi, je consacre plus de 50h à l’Assiette Mijotée ».
La chef a des projets : elle veut faire évoluer la structure de sa cantine solidaire : « Pour proposer des plats mijotés à plus de gourmands, je veux créer des emplois mais surtout, redonner de la valeur au travail ». Elle a une vision bien précise : « je veux que ces emplois permettent à des gens que la société rejette – pour cause de cancer, de handicap- d’avoir une porte de sortie s’ils le souhaitent ». Un avenir prometteur pour le projet de Sabine, qui n’est pas prête de rendre son tablier.