Un mot sur ses maux

Elle est là, assise sur son lit, elle remet ses électrodes en place. C’est à l’occasion de la journée internationale des maladies rares qu’on a rencontré Charlotte Delcuse, étudiante en 2ème année de Prépa orthophoniste à Lille. Elle n’a que 19 ans mais elle a déjà une machine dans le bas du dos pour une aide quotidienne. La raison ? Elle est atteinte du syndrome d’Ehlers Danlos. Comme environ 3% de la population mondiale.

Charlotte est fatiguée. On le devine aux cernes sous ses yeux. Mais on ne saurait dire qu’elle est malade. Forcément, « je n’ai pas une étiquette sur le front qui le prouve » … Née le 19 novembre 2000, valide, elle ne se doutait pas qu’elle allait contracter une maladie héréditaire. Début des soucis à 12 ans. Elle souffre de mal de dos mais « tu te dis que c’est anodin, que ça arrive à tout le monde, tu ne t’inquiètes pas plus que ça ».

Il n’y a pas de traitement

2015 : pendant son cours de danse, elle se blesse. Charlotte a 15 ans et découvre qu’elle est hyperlaxe. Toujours de plus en plus de rendez-vous avec des médecins, par rapport à sa posture, sa mâchoire… mais on revient toujours au point de départ.

21 janvier 2019, rendez-vous avec un rhumatologue. C’est la première fois qu’on lui parle du syndrome d’Ehlers Danlos … pour lui préciser curieusement qu’elle ne l’a pas contracté. Étonnant ! On lui explique que c’est la maladie dite du collagène, qu’il n’y a pas de traitement et « qu’il ne faut pas chercher plus loin ».

Je me diagnostique moi-même

Mais le ver est dans la pomme. Elle fouille, tombe sur le site internet du Professeur Hamonet, spécialiste du dit syndrome et commence à regarder les symptômes. « Ok, ça je l’ai, ça aussi, celui-ci aussi… Je me diagnostique moi-même. ». Elle achète son livre en avril 2019, elle le dévore, découvre que sa mère présente aussi certains symptômes et comprend l’origine de sa maladie. Le mois dernier, elle obtient enfin un rendez-vous avec le spécialiste à Paris. Fin de l’errance : c’est là qu’on la diagnostique finalement comme malade. « La présence de 5 des 9 signes suffit pour déclarer la maladie à 99,7%. Troubles du sommeil, tendance hémorragique, troubles de la mémoire et de la concentration, anxiété, douleurs exacerbées, instabilité articulaire… Je présente 8 des 9 signes ».

Une solution ? Pas encore de traitement. Pour l’instant, 14 médicaments par jour, oxygénothérapie matin et soir, électrodes dans le dos, vêtements compressifs… Elle décide de se lancer dans la procédure du dossier MDPH, qui permet de demander diverses prestations auprès de la maison départementales des personnes handicapées pour l’accompagnement personnel.

Le plus dur reste d’en parler.

« Ce que j’aimais faire avant, je ne peux plus le faire ». Elle s’est donc appliquée à rédiger sa bucket list. Le principe : une liste de toutes les choses qu’elle souhaite réaliser dans sa vie avant d’être en fauteuil roulant : lieux à voir, expériences à vivre, pour profiter au maximum parce qu’elle questionne son avenir. Au programme pour cet été : road trip en Irlande avec sa meilleure amie.

Ce n’est pas toujours facile. « Au bout d’un moment, tu en as marre. Je ne peux pas bouger, me lever ou parler, je suis de mauvaise humeur, je ne peux pas aller en cours. Et si les personnes autour de moi ne l’acceptent pas, c’est encore moins facile à supporter ». Le plus dur reste d’en parler. Pendant des années, elle a eu du mal à se confier, à parler de ses douleurs qui étaient omniprésentes sans qu’on sache vraiment pourquoi. Mais aujourd’hui, à l’occasion du Rare Disease Day, elle a accepté de se livrer. « Au début, tu redoutes la pitié des gens, surtout quand ils disent qu’ils te comprennent. Mais au final, plus tu comprends la maladie, plus c’est facile de l’accepter ». C’est aussi grâce à une youtubeuse qu’elle a appris à mieux l’appréhender. « Ça m’a beaucoup aidé de la suivre et de regarder ses vidéos, ça m’a rassurée. Elle est comme moi, j’arrive à me dire que je ne suis pas toute seule ». Et à accepter que ce syndrome, elle allait dorénavant devoir Vivre Avec.

Dates clés :
19 novembre 2000 : naissance de Charlotte à Arras.
2012 : début de ses soucis de santé et de ses nombreux rendez-vous.
21 janvier 2019 : elle prend connaissance du syndrome d’Ehlers-Danlos.
5 février 2020 : rendez-vous à Paris avec le Professeur Hamonet, elle est diagnostiquée.
Ehlers-Danlos, qu’est-ce que c’est ?
Selon le Professeur Hamonet, la maladie d’Ehlers Danlos est une maladie héréditaire qui touche, de façon diffuse mais très variable, l’ensemble du tissu conjonctif, c’est-à-dire la quasi-totalité des tissus du corps humain, à l’exclusion du système nerveux. La transmission est systématique à tous les enfants de parents dont un, au moins, est atteint.
Il existe de nombreuses associations pour aider les personnes atteintes du syndrome d‘Ehlers Danlos : L’association nationale des SED, l’Association française du SED, etc. Circonflex Mag a rencontré la fondatrice et présidente de Vivre avec le SED, Monique Vergnole.
"Vivre avec le SED a 12 ans cette année.  L’objectif de notre association, c’est de faire connaître le syndrome ED pour réduire l’errance médicale qui précède souvent le diagnostique de cette maladie, encore classée parmi les maladies rares.. Nous  accompagnons aussi les patients dans leur parcours de soins.
Le SED est une anomalie du tissu conjonctif, due à une altération du collagène. C’est une maladie certes invalidante, mais qui se révèle différemment d’un patient à l’autre.  Nous  la présentons comme une pathologie évolutive, avec des crises qui amènent des hauts et des bas, mais non dégénérative. Nous  insistons toujours sur le fait que les patients atteints du SED sont handicapés, mais pas paralysés. C’est pourquoi je tiens à rassurer Charlotte et les autres malades : fort heureusement, le SED ne mène pas automatiquement au fauteuil roulant, loin s’en faut."
Juliette Bisiaux