Vous êtes sûrement déjà monté à bord de cette grande roue qui s’installe chaque hiver sur la Grand’Place de Lille. Mais connaissez-vous l’histoire de la famille qui s’en occupe depuis 34 ans ? Découvrez le portrait de Matthieu Lestoquoy, un homme qui parle de son manège avec un sourire à la hauteur de sa passion.
Un grand sapin, des bonhommes de neige en plastique, un tapis rouge et des passants souriants. Un décor féérique, et un cadre de travail quasi habituel pour Matthieu Lestoquoy, gérant de la grande roue de Lille. Son manège de 36 nacelles et de 50 mètres de haut offre une vue imprenable sur toute la ville. Cette dernière se trouvant comme à son habitude au milieu de la place du Général-de-Gaulle « comme un diamant dans son écrin » souligne Matthieu Lestoquoy. Un moyen unique de contempler Lille et ses illuminations de Noël, en couple, en famille ou entre amis. Le tout à une vitesse de 12 km/h. Cette roue devenue un monument pour la ville de Lille sonne l’arrivée des festivités et de la magie de Noël. Elle ne peut être dissociée du sapin géant… qui appartient aussi à la famille Lestoquoy.
Si ce manège impressionne par sa grandeur, la rapidité avec laquelle il est mis en place est tout autant remarquable. Il ne lui faut que trois petits jours pour être opérationnel. Cette année, il est ouvert depuis le 18 novembre. Plutôt étonnant, quand on lit un peu partout que de nombreuses communes veulent limiter les fêtes et éclairages de Noël pour faire des économies… Mais la consommation énergétique de la grande roue ne semble pas être un souci. « C’est parce que nous fonctionnons uniquement avec des LEDs depuis 2009 » explique Matthieu. « On a fait un bilan carbone de l’entreprise, on a abandonné un groupe électrogène qui était énergivore en fuel. On est donc passé en tout électrique, on a même une partie verte dans notre contrat. On a aussi rééquilibré la roue pour une meilleure rotation. On a été pionnier, et beaucoup d’entreprises nous ont suivies derrières. ».
Si un arbre me gêne, je ne le coupe pas, je décale la caravane !
Installée à Lille entre novembre et janvier, la Grande Roue fait ensuite le tour de la Belgique. Tournai, Liège, Bruxelles, Anvers… Une vie sur la route qui ne déplaît pas à Matthieu. « On a une vie de voyageur, nous on est un peu partout chez nous. Quand je vais dans une maison, je me dis :
Cette fenêtre, ça fait peut-être 100 ans qu’elle regarde dans la même direction. Tous les jours, cette personne voit la même chose. Moi j’ai de la chance, si un arbre me gêne, je ne coupe pas l’arbre, je décale la caravane. Si vous ne vous entendez pas avec votre voisin, vous savez que ça ne dure qu’un mois.
Et de tous ses voyages, Matthieu préfère toujours revenir dans la Capitale des Flandres « parce que je suis Lillois de naissance. » Ce retour aux sources, il l’apprécie d’autant plus grâce à la place qu’occupe cette Grande Roue. « Aujourd’hui, ce n’est même plus une tradition, c’est devenu une institution. Presque un monument à part entière ! ».
Accueillant des clients entre nos échanges, il décrit son enfance. L’histoire d’un jeune garçon intrépide qui a grandi dans un milieu forain. Après son bac, le jeune homme continuait de rendre service à ses parents au point de reprendre la société après avoir arrêté ses études de droit. Et après 25 ans à venir chaque année s’installer fêter Noël sur la Grand’Place, les anecdotes sont nombreuses. « Je ne compte plus les demandes en mariages, ou les annonces de naissance. Mais mon moment préféré, c’est quand les grands-parents viennent avec leur famille pour faire un tour de manège. J’aime cette image du patriarche qui rassemble ses proches. C’est comme nous, on a une relation quasi filiale avec cette roue, on a tellement vécu de moment avec elle… » Lancé, Matthieu ne s’arrête plus. « Si on veut être un peu philosophique, la roue tourne, c’est le cycle de la vie. On prend de la hauteur, on se coupe un peu du monde, vous avez le brouhaha ici en bas et puis quand vous êtes en haut, il y a ce calme, on est comme dans une bulle. Et ça fait du bien ».
Du calme, Matthieu n’en a que très peu. En plus de son manège et de la route, il est aussi maire de Camphin-en-Carembault depuis le 9 novembre dernier. « Pour moi, la mairie c’est comme une PME de la République. C’est gérer de l’humain et un budget, investir… Le maire, c’est le premier secours et le dernier recours. Vous êtes au plus près des gens. J’ai toujours aimé ça, donc ça m’a paru logique d’aller dans cette voie-là ». Une double vie qui a demandé un emploi du temps bien cadré. « Je suis gérant de la grande roue uniquement lorsqu’elle est en France. En ce moment, je passe mes matinées à la mairie et, de midi à minuit, je suis à la caisse en bas de la roue, tout en répondant au téléphone et à mes mails. Lorsque la roue est en Belgique, j’ai moins de responsabilités vis-à-vis d’elle, donc je peux me permettre de consacrer plus de temps à mon statut de maire ».
Ces grandes routes, que sa famille parcourt depuis 34 ans, il continuera de les traverser avec la même passion. Mais lorsqu’il reviendra à Lille, il cherchera toujours à exposer son diamant dans son écrin.