Terriblement narcissique ?

Le reconnaissez-vous ? Sans doute avez-vous déjà croisé son portrait dans les ruelles lilloises ! Depuis plus de 3 ans, il habite notre ville et colore nos paysages. Circonflex est allé à la rencontre de ce mystérieux street artist pour tenter de démasquer qui se cache derrière ce portrait.

C’était il y a 20 ans, avec une bande de copains : le futur Mr Voul –à défaut de connaitre son vrai nom !- crée un stop motion avec son visage comme base de travail. Le stop motion utilisé au cinéma est une technique d’animation qui consiste à mettre en mouvement une succession d’images fixes. A l’occasion d’un long trajet en train, parce qu’il n’a pas grand-chose d’autre à faire, Mr Voul –en devenir -, muni d’un simple stylo bic et d’un grand nombre de tirages de son visage, s’amuse à dessiner : il  retouche,  remanie,  maquille… Il est immédiatement séduit par le résultat. Le personnage de Mr Voul vient de naître.

 

 

Avec humour, l’artiste aime à se présenter comme un artiste dysmorphique. Que ce soit dans la rue, sur des toiles ou sur tout autre support, Mr Voul joue de son visage pour le faire voyager à travers de nombreux univers. En utilisant à la fois des matières et des techniques très diverses, il dévoile un visage en constante évolution et aux multiples déclinaisons graphiques. Il se demande parfois jusqu’à quel niveau de transformation, de folie il parviendra à emmener son personnage.

Un personnage tantôt en chapeau haut de forme, tantôt sous les traits d’un vampire, capable de faire disparaître les objets qui l’entourent… « On m’a très vite catégorisé comme narcissique, pourtant c’est loin d’être le cas ».

 

C’est le déclic

 

L’artiste confesse que son personnage (ou ses personnages) est (ou sont) arrivé(s) dans nos rues un peu par hasard. Lors d’une exposition à  La librairie autour des mots  à Roubaix, il a l’opportunité de coller son portrait sur le rideau métallique de la devanture de la boutique. C’est le déclic ! L’artiste se prend au jeu et colle un peu partout son visage dans les rues de Roubaix, notamment à La  Condition Publique, lieu de coopération culturelle.

Pour Mr Voul, « le street art  recouvre  une infinité de créations artistiques qui vont de la musique en passant par le dessin jusqu’au théâtre de rue.  Malheureusement, c’est un terme inventé, où l’on range un peu tout et n’importe quoi ». Il ajoute que le street art, qui suit les mouvances de notre société, reflète l’ensemble des expressions allant du simple graffiti à des œuvres beaucoup plus travaillées, beaucoup plus engagées.  Mr Voul se définit moins comme un plasticien que comme un street artist puisqu’il réserve principalement sa production à la rue.

 

Je me laisse pousser par mes gestes

 

Mr Voul travaille avec beaucoup de liberté, de spontanéité, il laisse son intuition et son art s’exprimer. « Je me laisse pousser par mes gestes ». L’artiste explique qu’il puise son inspiration à travers des couleurs et des envies. Il observe beaucoup son environnement pour en capter un maximum de nuances, de textures et de matières. Au départ  de chaque oeuvre, il aime prendre un nuancier Pantone avec ses centaines de couleurs.  Il les mélange selon différentes techniques, dessin, peinture, photographie, cyanotype, vidéo… pour un résultat toujours plus exceptionnel !

 

 

Mr Voul est indépendant, il est régulièrement sollicité pour poser des réalisations sur des murs, organiser des ateliers dans des écoles, participer à des interventions dans des festivals ou des expositions. Il exerce aux Ateliers Rémy Co à Roubaix (32 rue Rémy-Cogghe) dont il est le président. Ils étaient 4 à la création des Ateliers en avril 2018. Le lieu accueille aujourd’hui 21 artistes : « cela permet de mélanger les pratiques, de confronter son travail à différents avis et de créer des ponts artistiques.»

 

Le virus comme fil conducteur

 

Avec le contexte sanitaire, les événements culturels s’annulent, La nuit des arts à Roubaix, La braderie de l’Art ou Solid art n’auront pas lieu. Et c’est un coup dur pour Mr Voul et pour tous ses amis street artists. En l’absence d’exposition, pas de vente possible, c’est toute la question de leur devenir qui est en jeu…

Mais la Covid 19 les oblige en permanence à se réinventer et à trouver des alternatives pour communiquer et partager leurs créations avec le public. Car la crise sanitaire n’a pas freiné le street art en tant que tel. Au contraire, elle a inspiré de nombreux artistes qui ont créé des œuvres avec le virus comme fil conducteur. « L’expression ne s’arrêtera jamais à partir du moment où on a encore le droit d’aller dans la rue. »

 

Leonore Bonnin