Pour ne plus être seul

En France, le nombre de personne isolées dépasse les 7 millions. Le cas d’Edith Fillebeen, dont le corps a été découvert en septembre dans son appartement de Lille 3 ans après sa mort, a relancé le débat autour de la solitude.  Circonflex Mag a rencontré Jean-Jacques Derosiaux, président de l’association TA1AMI, qui lutte contre l’isolement.  

CIRCONFLEX MAG : Vous dites que votre but, c’est de changer le monde, un monde où plus de 7 millions de Français souffrent de la solitude. 

 – JEAN-JACQUES DEROSIAUX : Oui, c’est notre objectif. Nous voulons briser l’isolement et retisser du lien social. TA1AMI vient en aide à tous ceux qui sont touchés par la solitude.  Nous mettons en place des binômes d’amitié, sans considération d’âge, entre une personne isolée et un(e) bénévole. Une fois par semaine, ce dernier donne de son temps pour passer un moment d’échange avec son binôme, qui pour 70% des cas, est une personne âgée. Nous avons fait le choix de mélanger les générations, ce qui permet une ouverture plus vaste sur la société.  

CM : Comment se déroulent les premières visites ? 

– JJD : Le bénévole postule sur le site internet (www.TA1AMI.fr) et l’aventure commence ! Première étape : nous l’accueillons pour l’informer des bons gestes et des comportements à adopter. C’est d’une importance capitale pour le bon déroulement de la relation. Ensuite, il fait connaissance avec son binôme, qui habite nécessairement près de son domicile et voilà le début d’une histoire d’amitié.  

CM : Parfois, il doit arriver que les émotions dépassent le cadre associatif ? 

– JJD : Bien sûr ! Au-delà des missions, un véritable lien d’amitié se crée au fil des visites. Ce lien reste strictement confidentiel, sauf en cas de danger pour la personne esseulée. 

CM : Les personnes que vous soutenez sont pour la plupart âgées. Jusqu’à quelle période de leur vie se poursuit votre accompagnement ?  

– JJD : Oui, malheureusement, les personnes dont nous nous occupons partent, c’est la vie.  La mort est parfois subite et soudaine. Mais ils ne partent pas seuls. Nous les accompagnons jusqu’au bout. Pour cette mission, plus encore que pour les autres, les bénévoles peuvent compter sur un référent, continuellement présent, toujours prêt à les aider, à les conseiller.   

“Enrichissez-vous de vos aînés”

CM : Pourquoi parle-t-on aussi peu de la solitude en France, en particulier de celle des personnes agées ?  

– JJD : On a peur de la vieillesse, peur pour soi-même. Une personne âgée vous renvoie l’image de ce que vous allez devenir. Alors les familles ne rendent plus visite à leurs ainés, par crainte du miroir qu’ils leur tendent : ils ne veulent pas vieillir comme eux.  Simone de Beauvoir a écrit que « l’on reconnaît le degré de civilisation d’une société à la place qu’elle accorde à ses personnes âgées. » En France, le traitement de nos ainés est indigne. Nos parents se sont occupés de nous les premières années de notre existence, n’est-il pas naturel de les accompagner sur leur fin de vie ? 

CM : Que diriez-vous à une personne qui n’ose pas passer le cap du bénévolat ?  

– JJD : Enrichissez-vous de vos aînés.  Certes, le souvenir du temps que vous avez donné reste ancré au sein de la mémoire de la personne âgée. Mais la relation est bénéfique pour les deux. D’abord au vu de la richesse culturelle que peuvent nous inculquer nos personnes âgées.  Mais aussi parce que vous savez que vous avez fait une belle action. Alors, à la fin d’une mission bénévole, c’est un sentiment de gratitude qui vous envahit.