Coupe de France : et les « petits » alors ?

“Gardez le cap dans la tempête et tenez fermement la barre !” disait autrefois Guy Roux. Voilà à quoi pourrait se résumer le football français ces temps-ci. Entre des clubs qui crient à l’agonie et le fiasco Mediapro, l’horizon du foot tricolore s’annonce bien terne. Quelques échelons plus bas, bien loin des caméras de Canal+, les amateurs vivent une longue et pénible traversée du désert. Comme un mirage, le retour de la Coupe de France en janvier a ravivé une lueur d’espoir au sein des clubs. Circonflex Mag a chaussé ses crampons et revient sur cette compétition, du point de vue des amateurs de la région.

Pour Allan (latéral droit de l’Arras FA en Régionale 1) et Maxime (capitaine de l’équipe de l’US Lesquin en R1), le constat est le même : la préparation a été trop courte. « On a su que la Coupe de France reprenait dix jours avant notre match » témoigne Maxime. A Arras, même refrain : « On n a eu que trois entrainements pour préparer le sixième tour ». Comment remettre en route les organismes et retrouver des sensations en une dizaine de jours à peine ?

C’est tout le casse-tête qui s’est imposé aux coachs. Ajoutez à cela un couvre-feu qui empêche les clubs amateurs de s’entraîner après 18 heures et vous obtenez un paquet de maux pour organiser des séances.

 

Rien ne vaut le terrain

 

« Les entraînements se faisaient le samedi et le dimanche. Mais on a eu une dérogation cinq jours avant le sixième tour pour pouvoir s’entraîner en semaine. » confie le capitaine nordiste. Dans le Pas-de-Calais, on ne s’est pas laissé abattre. Suspension du championnat ou pas, les entraînements de l’Arras FA se sont poursuivis… à domicile. Au menu, des séances collectives sur Zoom et des programmes individuels à rendre au coach pour se maintenir en forme. Seulement, et Allan le résumait bien : « Rien ne vaut le terrain ».

 

C’est peu de le dire. Avec le peu de préparation, les pépins physiques peuvent survenir à chaque course. « C’est très dur d’éviter les blessures, on essaie de les prévenir au maximum », résume Allan « Avant de jouer notre match contre Camon (ndlr. 6e tour de Coupe de France, 1-3), il y a eu trois ou quatre blessés. » renchérit il. Le ton est le même du côté de l’US Lesquin : « On avait peur de se blesser, les changements d’appuis étaient violents. » nous confirme Maxime.

 

 C’est comme un grand bol d’air

 

Dans leurs yeux d’amateurs, le football représente bien plus qu’un sport. C’est leur passion. Ce simple ballon rond, qui peut paraître si ordinaire à première vue, offre bien plus de possibilités que de courir après. Un peu de temps pour « voir les copains »,  comme le souligne Allan. Qu’importe la météo, quoi de mieux que de se retrouver sur un terrain les dimanches après-midi ? Le partage et la camaraderie, c’est finalement ce qui leur a le plus manqué.

« Ça fait du bien à la tête, souffle Maxime. Je pense que c’est une bonne chose d’avoir repris la coupe. Pour nous, amateurs, c’est du plaisir. On n’a plus grand-chose à faire en ce moment. » A Arras aussi : « Ça fait énormément de bien de jouer. ». « Pour ceux qui ont une vie privée un peu compliquée, qui ont des problèmes, venir au foot, ça a été quasi vital. » nous raconte Allan avant de conclure : « C’est comme un grand bol d’air, quand t’es sur le terrain, tu ne penses à rien ! ».

 

Côté sportif, la Coupe de France prend des airs de jeu de survie : une seule défaite est synonyme de fin de saison pour toute l’équipe. « Chaque match est une finale. » expose Maxime. Alors, même s’il avait fallu cracher ses poumons sur le terrain, ils l’auraient tous fait volontiers. « Après le match contre Saint-Quentin (ndlr. 7e tour, 2-1), le coach nous a dit : « Vous avez le droit à deux semaines de foot en plus. ». Après ce match-là, j’étais rincé, mais sur le terrain, on se dépasse. Sinon, on est éliminé et c’est terminé », nous raconte le latéral d’Arras.

Le capitaine de Lesquin synthétise : « On sait que ça peut s’arrêter du jour au lendemain, que le foot ne reprendra pas avant longtemps ». Toute l’ambiguïté est là : reprendre avant longtemps… mais avant quand ? Il faut espérer que les championnats amateurs puissent débuter en septembre prochain, ne serait-ce que pour la survie financière des clubs. Pour les joueurs, le COVID, c’est d’abord « des années de perdues, formule Maxime. Je ne compte pas jouer jusqu’à 35 ans (il a 28 ans) !Perdre 1 an et demi, c’est énorme pour moi. »

 

 Beaucoup d’émotions

 

Pour Allan –qui travaille chez un concessionnaire automobile- et Maxime -professeur d’EPS-, concilier vie personnelle et foot n’a pas été simple, ainsi que pour leurs coéquipiers. A Lesquin, « Il y a des gars qui n’ont pu venir s’entraîner qu’une seule fois avant les matchs ».

La magie de la Coupe de France a peut-être été encore plus forte cette année. Les « deux semaines de foot en plus » en cas de victoire ont sans nul doute donné aux joueurs un surplus de motivation. Magie ou pas, la réalité n’est jamais bien loin. La FFF a déployé un protocole strict pour limiter la propagation du COVID-19. Joueurs et staff avaient un test PCR à faire tous les jeudis. Ils devaient ensuite en passer un deuxième, antigénique cette fois-ci, tous les samedis. Après quoi, ils étaient aptes à jouer les dimanches.

 

 

Seule équipe nordiste encore en lice, l’US Boulogne CO (Nationale 1) tentera de se défaire de l’équipe du Canet-Roussillon le 7 avril. Les sudistes sont le très bel exemple de cette compétition : ils ont vaincu l’ogre nommé « OM ».Car la Coupe de France, c’est avant tout cela :  la magie des petits contre les gros ; David qui bat Goliath… Une chose est sûre, ça a donné des étoiles dans les yeux de Maxime : « C’est comme ça que je la vois, cette Coupe : beaucoup d’émotions, une chance de jouer contre des pros…Oui, vraiment, des émotions, je peux dire que j’en en ai eues en jouant nos matchs… »

 

 

 

Alors qu’un retour partiel des supporters dans les stades est envisagé par l’exécutif, le monde amateur reste privé de championnat. Avec plus de 2 198 000 licenciés (dont 50% des pratiquants ont moins de vingt ans), le football est le sport le plus populaire de l’Hexagone. Aujourd’hui, les catégories jeunes peuvent s’entraîner de nouveau malgré de strictes restrictions. Malgré ça, les compétitions ont toujours eu une place importante dans leur vie de footballeur. L’arrêt des championnats impacte joueurs, familles et clubs. Leur retour contrôlé serait une bonne nouvelle pour les comptes de ces derniers. Pour tous, le foot, et vous l’aurez compris, est une vraie thérapie dans la période que nous traversons. Alors pourquoi ne pas se pencher sur le sujet ?

 

 

Julien Henninot