Un étudiant + un sénior = une colocation d’entre-aide

C’est d’abord une solution à deux grands problèmes sociaux : le manque de logement étudiant et la solitude des personnes âgées. Mais pas seulement. L’association Ensemble2générations, qui met en relation des jeunes et des séniors, insiste aussi sur l’entre-aide et la solidarité. Circonflex a rencontré Delphine Petit, la chargée de mission de l’association, Rapsw, 25 ans, et Édith, sa colocataire de 91 ans.

Dans la petite ville de Mouvaux, à l’abri d’une allée d’arbres, se cache une grande maison blanche – celle d’Édith et de Rapsw, son colocataire étudiant. Accueilli par le jeune homme et un petit chien blanc, surnommé Lili, on entre à l’intérieur. Les murs du couloir sont décorés de nombreuses photos de famille. Édith et Delphine nous attendent, confortablement installées dans une petite chambre. Une fois les présentations faites, Lili, sans aucune gêne, s’installe entre nous. L’ambiance est très chaleureuse et familiale.

« Mettre en lien un étudiant qui recherche un logement et une personne âgée qui a une chambre de libre et souhaite accueillir : c’est le but de l’association Ensemble2générations » explique Delphine. Le contrat court pendant une année universitaire et même plus, si l’étudiant souhaite rester. Rapsw, en colocation depuis un an et demi avec Édith, a déjà vécu avec une autre séniore pendant quatre ans. « Ce côté humain, les diverses expériences de la vie, du partage – ça m’appelle, ça m’interpelle », raconte Rapsw.

« Il y a des solutions autres que l’EHPAD »

Selon Delphine Petit, cette association apporte une réponse à des problèmes sociaux majeurs. « Je pense que petit à petit, les gens vont prendre conscience qu’il y a des solutions alternatives aux problèmes de logement des jeunes. Des solutions autres que l’EHPAD pour pallier à la solitude des personnes âgées », affirme la chargée de mission. « C’est intéressant pour l’État – on occupe des chambres vides. Et ça rend service à la société dans son ensemble. C’est quelque chose qui soude. », ajoute-elle.

« Ce n’est pas une personne qui t’accueille, mais toute une famille »

Rapsw explique que sa famille est rassurée de savoir qu’il est entouré de gens de confiance, et qu’il a un chez lui. Après tout, « ce n’est pas une personne qui t’accueille, mais toute une famille ». Des fêtes, des anniversaires, des mariages, des dîners : ces deux-là ont déjà tout fait ensemble. En plus, les enfants d’Édith sont rassurés : leur maman n’est pas isolée. « Mes enfants savent que je n’aime pas être seule. C’est donc ma fille qui a trouvé l’association. C’est très sympa, il y a quelqu’un à la maison. On s’entend très bien avec Rapsw, on cuisine, on joue aux cartes », raconte Édith. « Souvent les personnes âgées qui se sentent seules ne sollicitent pas leurs familles parce qu’elles n’ont pas envie de les déranger. Mais quand tu as quelqu’un chez toi c’est beaucoup mieux – les séniors ont plus de plaisir à sortir ou  à rentrer à la maison. », constate Delphine.

« Pour un étudiant, c’est une façon de s’engager »

L’étudiant, pour profiter de cette initiative, n’a pas besoin de s’inscrire au préalable à des cours de secourisme ou autres formations. La chargée de mission tient à le préciser, si jamais le sénior tombe dans la nuit, ce n’est pas le rôle du jeune de le relever. Il est juste là pour alerter les secours et la famille. « Pour un étudiant, c’est une façon de s’engager ». C’est ce qu’explique Rapsw : « Édith est une personne très dynamique, très ouverte et facile à vivre. Elle a 91 ans et elle est indépendante – elle conduit, elle fait tout toute seule. Je suis là juste pour lui tenir compagnie ».

L’association propose trois formules : pas de loyer, mais présence obligatoire le soir et la nuit (sauf une soirée par semaine, deux week-ends par mois et quatre semaines de vacances). Un logement à 150 euros par mois avec une présence régulière et un service d’entraide. Ou bien un logement solidaire avec un loyer inférieur à -25% du prix du marché, en contrepartie d’une veille passive et d’une entraide spontanée. Selon Delphine, ce sont les deux premières solutions qui ont le plus de succès.

« On ne va pas prendre un jeune ou une personne âgée qui ne sont pas faits pour ça »

Delphine l’assure, la grande majorité des colocations se passe bien. La plupart des problèmes surviennent à la suite de malentendus générationnels, comme par exemple avec les jeunes qui restent longtemps sur leur téléphone. « Avant de signer un contrat, on organise des entretiens. On ne va pas prendre un jeune ou une personne âgée qui ne sont pas faits pour ça. Édith, par exemple, a une grande famille, beaucoup de petits enfants qui viennent souvent la voir, elle est très dynamique. On savait que ça allait bien se passer », explique la chargée de mission.

L’association est présente dans toute la France depuis 2006 et accueille actuellement onze binômes dans la métropole lilloise.