Qui a dit que les jeunes n’étaient pas innovants ? Cette rencontre avec Julien Paque, étudiant à HEI dans la région lilloise, nous rappelle que les jeunes esprits ont aussi plein d’idées pour la planète ! Tout débute cette année, lorsque Julien se lance dans une folle entreprise : recycler des mégots de cigarettes pour en faire …des doudounes ! Entre coups durs et coups d’éclats, Julien raconte à Circonflex Mag ces mois de travaux qui l’ont conduit jusqu’à l’avènement de son projet : la création de son entreprise TchaoMegots. En attendant la suite !
Circonflex Mag : Première question qui s’impose : est-ce que tu fumes ?
Julien Paque : (Rires) Non, je ne fume pas !
Comment t’est venue cette idée du recyclage de mégots ?
Je travaillais avec mon père sur de l’isolation en bâtiment, et j’ai trouvé un mégot de cigarette sur le sol qui m’a directement fait penser à de la laine de verre, matière avec laquelle on travaille sur ce type de chantier. L’aspect, la couleur m’ont semblé très similaires. Au départ, je trouvais ça un peu fou, un mégot reste un objet sale, mais à force d’en voir partout dans la rue, je me suis dit qu’il y’avait tout de même matière à faire quelque chose.
Quand est-ce que ce projet a réellement démarré, et quelles étaient tes journées types ?
Pendant 4 mois, j’ai énormément travaillé. Lors des premières semaines, j’ai investi dans du matos, une friteuse, un mixeur pour réaliser mes premiers tests… de manière assez artisanale ! Ma première exigence, c’était de réussir à supprimer l’odeur. J’y ai passé 2 à 3 semaines. Avec cette fibre sans odeur, j’ai ensuite commencé à réfléchir sur les débouchés potentiels du produit.
Je les ai ramassés tout seul à la main.
Dépolluer des mégots, c’est compliqué ?
Je ne peux pas trop parler des aspects techniques, pour des raisons de confidentialité. Mais le but final, c’est vraiment de sortir une matière saine, sans odeur gênante, tout en contrôlant la pollution qu’on recrée derrière en dépolluant cette matière. Il faut trouver un procédé sans eau, sans matière chimique, avec uniquement des extrayants naturels.
Comment as-tu récupéré les mégots nécessaires à tes premiers tests ?
Je les ai ramassés tout seul à la main, et là, je vous assure que ça se joue à la détermination ! (rires) Mes amis fumeurs m’ont aussi mis pas mal de mégots de côté. Je me souviens d’un soir où je rentrais chez moi. Je me suis arrêté à Ronchin, et j’ai ratissé toute la zone commerciale de la ville pour ramasser les mégots un par un, de 16h30 jusque à 1h du matin… Depuis, j’ai avancé. Par exemple, j’ai entamé un partenariat avec le bar V&B à Beauvais.
Comment t’y es-tu pris ?
J’ai simplement demandé à la gérante si je pouvais vider les cendriers du bar pour ma récolte en lui expliquant mon projet. Ils m’ont ensuite proposé de récupérer les mégots et de les mettre de côté ! Grâce à eux, j’ai récupéré un bidon de 60L de mégots, et ça m’a permis de réaliser mes premiers tests. J’ai aussi collaboré avec le bar Le Privilège, qui avait lancé l’action Un mégot contre une pinte. J’ai récupéré les mégots stockés par l’établissement, et ça m’a bien aidé ! (rires)
2 millions de mégots !
Ta première idée, c’était de te concentrer sur la capacité isolante du composant du mégot ?
Oui, tout à fait. Au départ, j’avais envie de fabriquer un isolant pour toiture. Mais l’estimation du nombre de mégots nécessaire à la construction d’une petite maison était assez hallucinante, quelque chose comme 2 millions de mégots !
C’est alors que tu as eu l’idée de confectionner des manteaux…
Pour réaliser mon premier prototype de doudoune, j’ai contacté L’outil Commun à la Madeleine. J’ai travaillé avec Clémence, une styliste spécialisée dans les manteaux. Je lui ai expliqué mon projet et lui ai demandé comment le concrétiser !
On s’est d’abord demandé si c’était faisable d’intégrer cette matière isolante à un manteau. On a réalisé les premiers tests de rembourrage, comme avec de la plume d’oie. On a vu que c’était faisable, mais très long et pénible à réaliser. On a alors pensé ensemble à rendre la fibre du mégot plus plate, comme une plaque, pour pouvoir directement coudre dessus. Avec ces premières plaques, réalisées grâce à une matière liante qui a permis de solidifier la fibre, on a pu commencer à créer les premiers manteaux.
Combien de temps prend la conception d’un manteau?
On a travaillé 26 heures sur la couture du premier prototype, 26 heures durant lesquelles j’ai d’ailleurs appris à coudre, c’était une première ! (rires) Aujourd’hui, on vise à peu près un ratio de 2h par manteau.
Si jamais tu n’arrives pas à finaliser ton projet, tu continueras sur ton idée de mégot en essayant de trouver des alternatives ?
Bien sûr ! Parce que mon premier objectif, l’essentiel de ma démarche, ça reste de valoriser le mégot, ne plus le considérer comme un déchet mais comme une matière recyclable et réutilisable.
Plus de vaches que d’habitants.
Avant de te lancer dans ce projet, étais-tu impliqué dans la cause écologique ?
J’ai toujours vécu à la campagne, je suis né dans les grands espaces et j’ai toujours profité de cette nature. Il y a plus de vaches que d’habitants dans mon village (rires). Après, je ne me considère pas comme quelqu’un d’hyper écolo. Je fais juste attention aux gestes du quotidien. Je trie, je ne laisse pas l’eau couler, j’éteins chaque lumière, j’essaie de faire du co-voiturage…Je pense que ces petits gestes là, effectués à grande échelle, peuvent entrainer de vrais conséquences positives pour la nature.
Comment as-tu réussi à financer ton projet jusque là ?
J’ai lancé une campagne de financement sur Kiss Kiss Bank Bank. L’objectif, c’était de collecter 5000€ en 60 jours pour réaliser les analyses nécessaires. J’ai récolté 7621€ ! Cette somme m’a beaucoup aidé, mais l’argent part très vite quand on veut mener à bien ce type de projet. Le but, maintenant c’est de chercher des sponsors qui me permettraient de financer la suite.
As-tu eu des moments de doute ?
C’est toujours difficile, et les problèmes changent tout le temps. Au départ, tu te demandes si ton projet vaut vraiment le coup, comment tu vas réussir à le concrétiser. Mais si j’y parviens et que l’entreprise commence à tourner, j’aurai beaucoup d’autres problèmes à gérer. C’est toujours mentalement dur quand tu décides de créer quelque chose : il faut relativiser, se dire que si ça ne marche pas, je ferai autre chose !
Pour conclure, qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Je voudrais développer ma propre usine de recyclage des déchets et valoriser un maximum de matière déjà créée. Dans un futur proche, le but, c’est de trouver des sponsors pour pouvoir me développer, finaliser les tests, obtenir les certifications manquantes, et commencer à pouvoir commercialiser des produits. Après, il faudra trouver des locaux, acheter nos propres machines… et gérer de plus en plus de mégots !
Thomas Rivet
Chaque année en France, plus de 30 milliards de mégots sont jetés dans la nature. À lui seul, un mégot abandonné pollue plus de 500L d’eau. Un mégot met 12 ans à se dégrader dans l’environnement Alors, exit les manteaux classiques qui ressortent tous les ans, la nouvelle mode du manteau, c’est le mégot ! Pour soutenir son projet et en apprendre plus sur l’actualité de l’entreprise de Julien Pâques, rendez vous sur TchaoMegot.com.