Movember : pourquoi les hommes consultent-ils encore trop tard ?

Chaque année, plus de 50 000 hommes sont touchés en France par un cancer de la prostate, et près de 2 500 par un cancer du testicule. Deux maladies aux réalités bien différentes, mais qui ont un point commun : plus elles sont détectées tôt, plus elles se soignent bien.

Pourtant, malgré les campagnes de prévention, parler de santé masculine reste un tabou. Beaucoup d’hommes tardent à consulter, par pudeur, désinformation ou peur du diagnostic.

À l’occasion du mouvement Movember, qui chaque mois de novembre invite les hommes à se mobiliser pour leur santé, nous avons rencontré le Dr Nicolas Vamour, urologue au GHICL de Lille, pour évoquer les freins à la consultation et les bons réflexes à adopter dès le plus jeune âge.

Le cancer du testicule : un enjeu majeur de santé masculine chez les jeunes

Le Dr Nicolas Vamour rappelle d’abord que le cancer du testicule, bien que relativement rare, reste « le cancer le plus fréquent chez l’homme jeune ». En comparaison, les cancers du sang arrivent loin derrière.« C’est une maladie qui, diagnostiquée à temps, offre de grandes chances de guérison. On ne parle pas de rémission ni de stabilisation de la maladie », explique-t-il. « On parle bien d’une pathologie dont on peut guérir, avec des taux de survie extrêmement élevés lorsque le diagnostic est précoce. »

Il précise qu’il n’existe pas de dépistage organisé, mais que « le meilleur examen reste l’auto-diagnostic, c’est-à-dire une palpation régulière des deux testicules. Lors de la douche, il suffit de palper les testicules. Si l’on remarque une augmentation de volume ou une fermeté inhabituelle, cela doit pousser à consulter sans attendre. Une échographie est alors prescrite pour confirmer le diagnostic. »

Peut-on prévenir ce type de cancer ?

Selon le Dr Vamour, le principal facteur de risque reste la cryptorchidie, c’est-à-dire des testicules qui ne sont pas descendus dans les bourses pendant l’enfance et sont restés trop longtemps « au chaud ». « Normalement, les testicules descendent progressivement au cours des premières années de vie pour se fixer dans les bourses. Quand ce n’est pas le cas, cela augmente le risque », précise-t-il. En dehors de cet antécédent, aucun facteur environnemental particulier n’a été identifié.
« C’est justement parce que cela peut toucher n’importe quel homme, sans profil type, qu’il faut insister sur la vigilance. Comme on encourage les femmes à se palper la poitrine, les hommes doivent apprendre à se palper les testicules. »

Un geste encore trop méconnu

Pour le médecin, le tabou n’est pas la véritable barrière. « Je ne pense pas que ce soit une question de gêne, mais plutôt un défaut d’information », constate-t-il. Il souligne que Movember met surtout en avant le cancer de la prostate, ce qui est justifié : « Un homme sur huit sera confronté à un cancer de la prostate au cours de sa vie. C’est un vrai problème de santé publique. » Mais il insiste sur la différence : « Le cancer du testicule touche les jeunes, et lorsqu’il est diagnostiqué tôt, les chances de guérison sont immenses. L’information doit donc être plus large. » Le Dr Vamour cite en exemple le Canada, où la sensibilisation est beaucoup plus forte : « Là-bas, on voit des campagnes, des spots publicitaires, des messages clairs. En France, c’est encore insuffisant. » Même pour les formes métastatiques peu évoluées, le Dr Vamour souligne que « les taux de survie à cinq ans sont quasiment de 100 % ».
Pour lui, cela prouve qu’une simple vigilance suffit à sauver des vies.

Son message aux étudiants et jeunes adultes

« Il ne faut surtout pas être gêné d’aborder ces sujets », affirme-t-il d’un ton calme. « Que ce soit avec un médecin généraliste, un proche ou un urologue, ces discussions font partie de notre quotidien. » Le spécialiste insiste : parler de sa santé n’est pas une faiblesse, c’est une preuve de maturité. « L’autopalpation, une fois par mois, suffit amplement. Et au moindre doute, il faut en parler. Il vaut mieux le faire pour rien que de dire que ce n’est sûrement rien et qu’en réalité, il s’agisse de quelque chose. » Le médecin appelle à dédramatiser : « Ce n’est pas un geste de peur, mais un geste de santé. Il ne faut pas que ce soit stressant ou mal vécu. C’est une simple vérification, pas une recherche de maladie. »

Et la prostate ?

En fin d’entretien, le Dr Vamour revient sur un autre sujet phare de Movember : le cancer de la prostate. « Il touche principalement les hommes de 50 à 75 ans. C’est un véritable problème de santé publique, car il est très fréquent. » Il rappelle que le dépistage existe et que, comme pour le testicule, le pronostic est excellent lorsqu’il est diagnostiqué tôt. « L’arsenal thérapeutique est vaste : de la simple surveillance à la chirurgie, en passant par la radiothérapie, l’hormonothérapie, ou même la chimiothérapie. Les traitements sont adaptés au patient et à l’évolution de la maladie. » Il précise : « Il n’existe aucun lien entre le cancer du testicule et celui de la prostate. Ce sont deux maladies totalement distinctes. »

“On peut très bien vivre avec un seul testicule”

Avant de conclure, le Dr Vamour tient à faire passer un message important : « Lorsqu’un cancer du testicule nécessite une chirurgie – ce qu’on appelle une orchidectomie, c’est-à-dire le retrait du testicule atteint – cela n’empêche pas d’avoir des enfants ni de mener une vie sexuelle normale. » Il ajoute : « Comme pour tous les organes pairs, on peut très bien vivre avec un seul. » Et pour les hommes gênés esthétiquement, « il est tout à fait possible d’implanter une prothèse testiculaire pour redonner une symétrie à la bourse. » « Ce n’est pas un sujet honteux », conclut-il. « On peut vivre parfaitement avec un seul testicule. L’important, c’est d’avoir consulté à temps. »

Chaque moustache de Movember symbolise une parole libérée, un tabou brisé. Comme le rappelle le Dr Vamour, “le premier pas, c’est d’en parler” : entre amis, en couple, avec un professionnel. La campagne Movember n’est pas qu’un slogan : c’est un rappel collectif que la santé masculine mérite la même écoute, la même attention et la même prévention que celle des femmes. Informer, s’examiner, consulter : trois gestes simples qui peuvent sauver des vies.

Noé Thorin