Le “ras-le-botte” est dans le pré

Après l’appel au rassemblement des syndicats agricoles de la région, des centaines de tracteurs et d’exploitants se sont rendus devant la préfecture du Nord le 22 février. Circonflex Mag a rencontré ces professionnels « qui en ont plein les bottes » sur la place de la République.

Alors qu’une délégation est reçue par Georges-François Leclerc, le préfet des Hauts-de-France, les drapeaux des organisations syndicales flottent pacifiquement sur la place de la République : « On vient manifester ici pour leur montrer un ras-le-bol généralisé. L’agriculture est pointée du doigt à différents niveaux », explique un producteur de pommes de terre et de blé, adhérent au syndicat FDSEA 62. « On est venus voir les représentants de l’État pour avoir des réponses » ajoute Antoine, producteur de lait et membre des Jeunes Agriculteurs (JA).

Ils cherchent surtout des solutions à leurs inquiétudes. Pendant encore quelques jours, des négociations sur les prix de vente avec les Grandes et Moyennes Surfaces ont lieu. Et l’évolution des débats ne semble pas les avoir convaincus de la Loi Egalim 2  : « Nous voudrions que l’État la fasse respecter », alerte Antoine, insistant sur « le manque de volonté de jouer le jeu » des GMS.

“L’incohérence” du discours du gouvernement

Pour montrer leur ras-le-bol, ces agriculteurs ont déversé sur le macadam non pas du fumier comme ils en ont l’habitude, mais des bottes et des combinaisons. Et cette pile de vêtements usés dénonce leur “ras-le-botte” face aux « incohérences » du discours du gouvernement. Et notamment à propos des zones de Non-Traitement (ZNT). « On se gargarise de l’indépendance alimentaire française, mais derrière, on nous impose 3 à 4 % de surface de jachère sans compensation financière » dénonce le représentant syndical du Nord–Pas-de-Calais. Surtout que, selon les manifestants, aucune étude scientifique n’a prouvé l’efficacité de ces ZNT. « Ça fait 3 ans qu’on attend les aides qu’on nous a promises » persifle-t-il.

Dans le viseur des agriculteurs, il y a aussi l’Europe et la PAC (Politique Agricole Commune). « On obtient des aides qui diminuent de plus en plus depuis 1992 (date création de la PAC, ndlr.) à condition de produire moins ». Pierre-Yves, ancien producteur  de lait, remet en cause le manque de « bon sens » de cette législation supranationale : « On doit continuer à vivre sur nos exploitations à moindre rendement avec des charges supplémentaires. » Car, comme pour tous les Français, les prix des matières premières et de l’énergie ont flambé. Ce qui plombe la rémunération des professionnels agricoles et leurs conditions de travail. « Le prix de vente du blé a augmenté de 1,5 %, mais tout de suite, le prix des engrais a fait un bond de 33 %. Sans parler du coût du pétrole… On ne fait pas 90 heures par semaine pour obtenir même pas un SMIC. »

L’état des choses inquiète les nouvelles générations pour leur avenir. « Il faut de la passion, mais derrière, ça ne suffit pas. La rémunération doit être au niveau. Il faut un minimum », avoue un étudiant en BTS agricole. « Cela étant, s’ils ne veulent plus d’agriculteurs, il faut qu’ils nous le disent et on arrêtera », ironise le représentant FDSEA du 62.

“Ça, ce n’est pas possible !”

À l’approche des élections présidentielles, les manifestants souhaitent trouver le représentant politique qui saisisse les réalités du terrain. Mais aujourd’hui, ils ont l’impression que ni le gouvernement ni aucun candidat ne les entendent. Si les agriculteurs reconnaissent une bonne compréhension des enjeux, ils pointent du doigt un manque d’expérience dans les mesures prises par les ministres Barbara Pompili et Julien Denormandie. « Ce ne  sont pas des bureaucrates qui vont venir nous donner des règles ! Ça, ce n’est pas possible ! » s’exclame Antoine sur un ton de défiance.

Cette mobilisation pourrait se renouveler si leur interpellation n’est pas traitée à la hauteur attendue. Quelles seront les prochaines formes de mobilisations de ces syndicats ? Et comment le prochain Président de la République pourra regagner leur confiance ? Ce sera l’un des enjeux du Salon de l’Agriculture, qui a ouvert ses portes ce samedi.

FDSEA: Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles.
BTS CGEA: Conduite et Gestion d’une exploitation agricole.