Gagner un “pari fou”

Elise Delannoy ou comment conjuguer performance et plaisir. En septembre dernier, elle a tenté de battre le record du monde de dénivelé positif en vingt-quatre heures. Elle s’est confiée à Circonflex Mag sur son parcours, son goût de l’effort et cette révélation qu’est le trail.

« Tu peux me tutoyer, je n’ai que 36 ans ! » Elise pose le décor. Tout de suite, c’est ce qui  frappe. Son dynamisme. Beaucoup de joie de vivre. Et si généreuse qu’elle a créé un évènement communautaire et fédérateur, hors du commun. Entourée de trois cents personnes, entre entraineurs, familles amis ou simples spectateurs, l’arrageoise était accompagnée par des « pacers » (Ndlr partenaires qui rythment la course en se relayant plusieurs fois). Elise raconte qu’elle se sentait « heureuse même si les vingt-quatre heures de course l’ont marquée ». Cet événement, c’était cette tentative de record du monde sur le Terril 42 de Nœux-les-Mines, le 19 septembre. L’idée est partie de la lecture d’un article qui racontait qu’aucune femme ne s’était attaquée à ce record. « Ça me fait rire parce que ça s’est vite fait, j’en ai eu l’idée le 30 août et le 20 septembre, c’était plié. » Pour elle, ce n’est pas une consécration, juste la volonté de gagner un pari contre elle-même.

Allier travail et passion

Après une année chamboulée par la Covid, la trailleuse était frustrée d’avoir été privée d’ultra-trail dans la saison. Une frustration d’autant plus renforcée que l’Arrageoise se sentait en forme. « J’ai misé sur le fait que mon corps se souvienne de l’effort que j’ai réalisé pour l’UTMB 2019 (Ndlr Ultra-Trail du Mont-Blanc). Je ne travaille pas forcément que le mental mais je pense que j’ai juste une très bonne capacité à rentrer dans ma bulle. » D’ailleurs, cette course, c’est son meilleur souvenir de trailleuse. La boucle qui part de Chamonix et fait le tour du sommet le plus haut d’Europe lui a procuré de vives émotions. « C’était magique, c’est un souvenir qu’on ne me retirera jamais. » Elle raconte que cette épreuve l’a transcendée, que c’était un plaisir de courir au milieu de ces vastes paysages. En fait, en l’écoutant, on s’aperçoit que c’est ce sentiment de découverte qui la motive.

C’est aussi avec cette mentalité qu’Elise Delannoy a rempli son palmarès, depuis sa première course en 2014, la Maxi Race. A cette époque, elle est novice dans le milieu du trail mais pas dans celui du sport en général. Elle a déjà participé à des raids multisports avec des proches. C’est une révélation. Elle participe à de nombreuses courses, dans le Nord ou ailleurs.

Elise ne vit pas de son sport. D’abord étudiante à la Catho, (ESPAS Tecobio) de 2002 à 2006, elle a travaillé dix ans dans un laboratoire d’analyse environnement et qualité Cereco près de Valenciennes. Depuis quatre ans, elle bosse chez Stago en tant qu’ingénieure commerciale dans la santé. La trailleuse reconnait tout de même des avantages qui lui permettent d’allier travail et passion : « le point positif, c’est que je peux quand même arranger mon emploi du temps. »

Un peu « comme une drogue »

Le trail, c’est de la course à pied, mais sur des chemins. La plupart du temps, on pratique ce sport à la montagne. Pour Elise, c’est un moyen de découvrir un massif en peu de temps, « de la rando’ express ». Evidemment, le côté sportif de la discipline est attirant, mais pour beaucoup de coureurs, comme elle, c’est le côté « nature » qui plait. La nordiste parle de « communion » : « tu te sens vivant, tu as vraiment l’impression de vivre un moment important. Ce sont des week-ends dont je me souviendrai toute ma vie. On a envie que ça recommence juste après que la course se soit terminée. » Elise reconnait que ce sport a des bienfaits. Aujourd’hui, elle explique que si elle ne va pas courir, elle se sent mal. Le trail est « un besoin, un peu comme une drogue ».

Presque deux fois l’Everest !

16 572 mètres. En septembre dernier, c’est ce qu’Elise Delannoy a grimpé en vingt-quatre heures sur ce terril de Noeux les Mines. Presque deux fois l’Everest. Même si l’on est loin des montagnes. Pourquoi un terril dans le Nord et pas un massif dans les Alpes par exemple ? Leur ascension simule une pente raide dans une région montagneuse. C’est la quatrième performance mondiale de tous les temps. Elle est la première femme à réaliser un tel exploit. Les hommes classés devant Elise, avec un dénivelé plus élevé, ne veulent pas retenter l’expérience. Quant à elle… La trailleuse n’en a « aucune idée ». Elle sait juste qu’elle en gardera un bon souvenir, même si l’effort était intense. Elle le dit en souriant : « why not (Ndlr pourquoi pas) ?» Pourquoi ne pas s’attendre à un nouveau record alors … ?

Aujourd’hui, ce que souhaite Elise, c’est de courir le plus longtemps possible. Elle reste consciente qu’une blessure peut mettre fin à une carrière. « C’est un sport qui use ! »

Dates à retenir :
2014 : son premier trail, la Maxi Race.
2019 : première féminine française à franchir la ligne d’arrivée de l’UTMB.
19 septembre 2020 : quatrième performance mondiale de tous les temps de dénivelé positif pendant vingt-quatre heures.
Théotime Léon