Face à la pénurie de nombreux médicaments, certaines pharmacies ont reçu l’autorisation de fabriquer des gélules antibiotiques. C’est le cas de La Grande Pharmacie de France à Lille.
Il a le visage fermé, le regard anxieux. Henry Claeys, responsable de La Grande Pharmacie, ne mâche pas ses mots : « Je n’ai jamais connu une pénurie de cette ampleur ». Il a raison. Cet hiver, rares sont les rayons des pharmacies remplis d’antibiotiques, de cortisol, de sirops pour la toux ou encore d’insuline rapide pour les patients souffrant de diabète. Une rupture de stock sans précédent. Selon l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine, 4000 médicaments sur les 13000 références commercialisées seraient en souffrance. La situation à laquelle doivent faire face les officines est de plus en plus compliquée. Car les pharmacies françaises sont très dépendantes des importations de matières premières et de médicaments.
Pour soulager la tension d’approvisionnement, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a sollicité une cinquantaine de pharmacies en France. Elles ont l’autorisation de fabriquer des gélules antibiotiques. C’est justement le cas de La Grande Pharmacie de France, située en plein cœur de Lille. Henri Claeys nous reçoit dans son laboratoire d’une surface de trente mètres carrés : « Nous recevons et enregistrons les commandes des pharmaciens de la région avant d’éditer une feuille de fabrication. Puis nous préparons les étiquettes à coller sur les flacons et passons à la phase de fabrication », nous explique t-il. La Grande Pharmacie vient en aide et collabore avec 150 officines dans la région des Hauts de France pour fournir des médicaments de première nécessité.
Le contrôle est un élément essentiel pour ne commettre aucune erreur
Fabriquer ses propres médicaments n’est pas sans risques. En effet, certains produits sont toxiques et peuvent provoquer des allergies ou des inflammations pour les pharmaciens. C’est pourquoi ils sont stockés dans une salle à part, dédiée à la manipulation de produits dangereux. Il faut faire attention à la protection des salariés.
« Peu de pharmaciens pratiquent ce que nous appelons la fabrication magistrale. Pourtant, si nous voulons nous détacher des fabricants implantés en Inde ou en Chine, il faut perdurer le savoir-faire transmis en formation, avec de l’expérience et de la pratique pour se donner les moyens d’optimiser nos capacités de production».
Pour les néophytes que nous sommes, la procédure de fabrication paraît simple. On prend un principe actif avec quelques milligrammes de poudre que l’on mélange à un excipient avant de remplir et de doser parfaitement les gélules. Le tout en à peine un quart d’heure. Il y a aussi le contrôle, qui est une activité chronophage et un élément essentiel afin de ne commettre aucune erreur : contrôles des feuilles de fabrication, vérifications des dates de péremption des matières premières… « Nous contrôlons les pesées grâce aux balances et aux systèmes informatiques. Une erreur de pesée, et nous ne pouvons pas valider la préparation », ajoute Henry Claeys. Dans le labo de La Grande Pharmacie, trois petites mains travaillent dans les locaux pour élaborer une quarantaine de préparations magistrales par jour.
Chaque année, les pharmaciens doivent maîtriser des crises de plus en plus handicapantes pour leur activité économique, en faisant des pieds et des mains pour obtenir des médicaments prescrits par les médecins. Une tendance qui n’est pas nouvelle mais qui, selon l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine, a été multipliée par 2 en un an. La solution temporaire adoptée par l’ANSM a au moins le mérite de rappeler ce qu’on aurait tendance à oublier : la préparation des médicaments relève aussi de la compétence des pharmaciens …