A l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, Circonflex Mag vous fait découvrir le témoignage d’un père célibataire et son expérience avec le handicap de son fils. Ce trouble du développement neuro-psychique dont on ne connaît pas les causes exactes touche un Français sur dix de manière plus ou moins grave. Découvrons leurs combats quotidiens et l’amour qui les relie.
De quel type d’autisme votre fils est–il atteint ?
Aujourd’hui, mon fils à 20 ans et a été diagnostiqué autiste. Ce handicap exprime un enfermement mental prononcé, il est en quelque sorte dans un monde parallèle. Et si tu souhaites créer une relation avec lui, tu dois y entrer. Et tu t’enfermes avec lui, par obligation.
Comment se déroule une journée type ?
Mon fils n’a pas forcément de repère temporel, il différencie le temps qui passe par la météo. Pour lui, la nuit, c’est quand il fait noir et le matin, c’est quand il n’y a pas de nuages. Il ne connaît pas l’heure. C’est moi qui le lève, je lui fais son petit déjeuner et sa toilette, je gère donc ses journées. Il y a une certaine mécanique, une certaine répétition car il ne sait pas ce que ces actions signifient. Il reste quand même autonome, il effectue certaines choses tout seul Mais je me dois d’être avec lui 24/24. Je ne peux pas le laisser seul face à lui-même.
Quelles sont les difficultés que vous êtes amené à rencontrer au quotidien ?
Des choses simples pour nous deviennent des moments d’incompréhension pour lui. J’arrive de temps en temps à lui faire dépasser la difficulté, mais cela reste compliqué à cause de ses troubles obsessionnels. Par exemple, quand je vais le chercher à l’école et que je me gare 100m plus loin,que d’habitude, il va me poser des milliers de fois la question “Pourquoi ?”. Je peux lui expliquer que la place était prise, il va me faire comprendre que c’est ma faute et que je devais venir plus tôt. Pour lui, je dois quand même avoir cette place.
Comment vivez-vous ce diagnostic en tant que parent ?
Quand on est parent, on devient un peu psychologue. On s’adapte, avec tolérance. Mais il y a beaucoup de choses que nous ne faisons pas, ou que nous ne pouvons pas faire. Je relativise désormais : avoir un enfant autiste permet une sorte de développement des relations humaines. Le fait de vivre pour quelqu’un d’autre, c’est un peu comme un abandon de soi-même. Mais je ne le vois pas comme ça. Je vis pour mon fils, je ne vais bien que s’il va bien.
Vous témoignez de votre acceptation. Que pensez-vous des parents qui ne le font pas ?
Il y a des personnes qui ne l’acceptent pas parce qu’ils ne le veulent pas. Et puis, il y a des parents qui n’ont pas la capacité intellectuelle pour accepter et pour comprendre. Que ce soit par principe, ou par manque de possibilités matérielles, à cause des fratries par exemple. La famille peut représenter un problème pour des parents qui ne veulent pas sacrifier leurs autres enfants. Il faut aussi avoir le temps, la logistique… Mis bout à bout, tout cela peut devenir très compliqué.
Que vous a appris l’accompagnement de votre fils au quotidien ?
C’est une sacrée expérience. Ça m’a rendu très tolérant sur beaucoup de choses. On ne peut pas vraiment savoir ce qu’est le handicap tant qu’on ne le vit pas. Personne n’est vraiment prêt à ça. Ce n’est pas toujours facile. Avec l’inquiétude, ma vie a basculé. Elle est liée à ce que mon fils deviendra. Les enfants grandissent et les parents vieillissent, la gestion change avec l’âge. La tête ne bouge pas, mais le corps si. Élever un enfant autiste, c’est une contrainte, il faut être sincère, mais j’ai réussi à l’intellectualiser. Il faut faire avec. Aujourd’hui, je vis la différence autrement et ça m’a ouvert les yeux. Je suis plus dans l’empathie.
Qu’aimeriez-vous que les personnes extérieures comprennent au sujet de l’autisme ?
Si quelqu’un te dit : “Je suis atteint d’un cancer”, tu ressentiras de la peine, de la compassion. Mais tu ne sauras qu’imaginer ce qu’il endure. C’est pareil avec l’autisme et les handicaps en général. A la télé, on ne te montre que le beau côté. Mais il faut venir dans les IME (institut Médico Educatifs) pour entrevoir la réalité. Dans la vie, sur 100 personnes handicapées, une seule réussira à s’en sortir. C’est un combat du quotidien.