14h06 : Au passage de la sécurité, un hurlement retentit, l’homme qui vérifie les sacs sursaute et se retourne. Pourtant, au premier étage, pas un chat, seulement la salle F, celle des comparutions immédiates, pleine à craquer. Il ne reste plus une place de libre sur les banquettes. Alors, habitude oblige, direction la salle C.
« J’étais le gérant, bah parce que c’est moi qui gérais. »
14h11 : C’est un jour à marquer d’une pierre blanche, le micro de la juge présidente fonctionne. Des cheveux longs et bruns, l’air sévère, elle appelle trois hommes à la barre : l’audience est ouverte. Seuls deux messieurs se présentent, un grand barbu qui avance, l’air penaud, et un petit qui semble plus éveillé. Ils sont respectivement présentés comme, « directeur général » et « gérant », d’un restaurant de fast food de la MEL. « J’étais le gérant, bah parce que c’est moi qui gérais. »
La juge liste les chefs d’accusations de Tic et Tac, et ça, ce n’est pas court ! Travail dissimulé, abus de confiance, détournement de fonds, emploi d’étrangers sans autorisation, blanchiment, faux contrats, faux et usage de faux : la liste est conséquente. Suit une énumération de noms, et ça n’en finit plus, tous sont victimes et presque tous sont en situation irrégulière.
« Votre comptable c’est Dieu ? C’est parole d’évangile ? »
16h15 : Plus les faits qui leurs sont reprochés s’accumulent, plus les deux accusés noient le poisson en rejetant la faute sur un homme, leur « bras droit ». Un fameux comptable qu’ils ont recrutés sur Snapchat, avec qui ils n’échangent que par mail et qui serait responsable de tout ce qui arrive à nos deux « chefs d’entreprises ». La présidente tente de les piéger, et ça fonctionne. « Votre comptable c’est Dieu ? C’est parole d’évangile ? » Les deux hommes ne cessent de contredire leurs anciennes déclarations, ça en devient franchement comique.
Le représentant de l’URSSAF est assis derrière la barre, il est amusant et très expressif, chaque fois que l’un dit quelque chose il remue la tête en regardant la juge, ils rigolent entre eux lorsque cette dernière remballe la défense fébrile de Tic et Tac. « Pourquoi être devenu dirigeant d’une société si vous n’aviez aucune notion d’entreprise, ça n’a pas de sens. »
« Merci de ne pas intervenir, ça n’est pas à vous que je parle ! »
16h43 : Madame la présidente commence à perdre patience, ils n’arrêtent pas de se couper la parole entre eux, de lui couper la parole à elle. Aucune déclaration d’impôts ni pour 2020, ni pour 2021, puis en juin et juillet 2022 aucun salaire déclaré.
On apprend alors qu’ils ont fait face à un redressement par l’URSSAF en février 2024 mais qu’un incendie a, malencontreusement, détruit leurs locaux un mois plus tard. Leurs réponses sont floues, imprécises, ils la prennent pour une idiote et elle est loin d’être dupe, le plus petit se met à crier, mais il ne faut visiblement pas énerver la juge, elle le gronde comme un petit garçon, « Merci de ne pas intervenir, ça n’est pas à vous que je parle ! ». Il n’haussera plus le ton de toute la séance.
17h30 : Deux ans de prison, dont un an ferme sont requis par Monsieur le procureur et le verdict tombe… Ah non pardon, pas maintenant, le 28 mars prochain.