Depuis 6 mois, Kira a quitté son pays ravagé par la guerre. Du haut de ses 18 ans, cette jeune réfugiée ukrainienne porte un message. Un message d’espoir pour son pays envahi par la Russie depuis le 20 février. Pour Circonflex mag elle raconte son parcours, ses aspirations après la guerre et l’espoir, un jour, de retourner chez elle.
Il y a des histoires qu’il n’est pas simple de raconter. Des mots qui, dans la bouche d’une jeune fille de 18 ans, ne devraient pas exister. D’une voix tremblante, elle se lance « On ne voulait pas croire ce qui allait arriver ».
Quelques mois plus tôt, Kira avait entamé une année de césure et commencé un travail de modèle. « C’était la plus belle année de ma vie » se souvientelle. Originaire de Kiev, la jeune étudiante arrivée à Lille pour poursuivre ses études interrompues par la guerre depuis le mois d’avril essaie de s’intégrer à cette nouvelle vie. Elle étudie les Lettres Modernes, elle aimerait devenir plus tard traductrice et participer activement au développement des sciences humaines et de la littérature en Ukraine.
« Venir en France a été la meilleure des décisions »
« Mon arrivée en France a été chaotique. J’ai tout d’abord dormi dans un hôtel puis dans un grand centre de réfugiés ukrainiens, en Picardie », raconte-t-elle, encore marquée par cette épreuve. Aujourd’hui, Kira réside dans un foyer d’étudiants et essaie tant bien que mal de reprendre une vie normale : « Venir en France a été la meilleure des décision ». Pourtant, au fond d’elle demeure un sentiment amer : « J’ai de la chance d’être ici. Après la guerre, je pourrai rentrer dans mon pays, forte de toute cette formation. Pourtant, je n’arrive pas à me sentir chez moi. ».
La jeune femme garde un lien très fort avec sa famille restée sur place, mais elle est rongée par un sentiment de culpabilité : « c’est difficile de rester ici en sachant qu’eux sont là-bas ». D’autant plus que l’approche de l’hiver vient se greffer comme un poids aux conditions de vie des Ukrainiens « Je stresse beaucoup à l’idée que l’hiver arrive, à cause du problème de chauffage. J’essaye de ne pas trop y penser, sinon je panique et cela m’angoisse. »
Par choix, à l’adolescence, Kira n’a plus voulu parler russe. Un acte de patriotisme. De résistance contre la Russie. « Après 300 ans de colonisation, et avec les évènements actuels, si une jeune fille comme moi continue à parler russe et non ukrainien, cela signifie qu’ «ils » ont gagné. D’ailleurs, depuis la déclaration de la guerre, nombreux sont ceux qui ont recommencé à parler ukrainien » La guerre, elle la connait bien, elle a grandi avec les conflits à répétitions :« chaque jour quand mon père m’emmenait à l’école, on entendait à la radio qu’il y avait des morts par dizaines ». À demi-mot, presque gênée, elle avoue même qu’elle et ses amis étaient devenus des « habitués » de la guerre.
« L’Ukraine se relèvera »
À Lille, Kira se bat pour la liberté de son pays, en participant à des rassemblements, des manifestations. A son échelle, elle lutte et résiste pour l’indépendance de son pays. « C’est à nous de faire changer les choses, aux jeunes du monde entier de se mobiliser. » Elle veut porter un message d’espoir pour toute une génération, parce qu’elle en est certaine, « l’Ukraine se relèvera, notre pays l’emportera »
Mais la jeune fille n’en reste pas moins une adolescente, avec des envies, des ambitions : « Je rêve de traduire Les misérables de Victor Hugo. C’est mon livre préféré. Nous ne disposons pas d’une bonne version en ukrainien. J’aimerais que tout le monde puisse y avoir accès. » Et quand on lui demande la première chose qu’elle fera en rentrant chez elle, elle n’hésite pas une seconde : « je mangerai toutes les spécialités ukrainiennes avec ma famille ! »
Une fois la guerre finie, la jeune femme souhaite reprendre ses études dans son pays. Elle pense souvent à ce qui se passe « là-bas », la distance ne diminue en rien la douleur ni le déchirement d’être partie. Elle ne compte plus les jours qui lui restent avant de rentrer chez elle. « L’Ukraine, ma famille, ma culture, mon peuple, c’est quelque chose de très précieux pour moi.
Elle esquisse un sourire rempli d’émotion. Les larmes aux yeux, elle termine : « un jour, je retournerai en Ukraine ».