Triple récompensée du monde fromager, elle était invitée à l’Elysée ce 12 janvier. Elle se rêvait journaliste sportive, mais Alice Basse, 24 ans, a finalement pris un tout autre chemin. Direction : le fromage !
C’est dans un bar de Lille, ville qu’elle connaît si bien, que nous avons rencontré Alice Basse. Au milieu de chocolats chauds, cette jeune femme s’est exprimée – tout en sourire – sur son métier de fromagère. Cette dernière est revenue sur les différentes étapes de ses études, le tout avec humour et beaucoup de recul, et ce malgré son très jeune âge.
« Mon rêve ? C’était de couvrir Paris 2024 »
Titulaire d’un baccalauréat scientifique, Alice s’est tournée vers l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, où elle entame une double licence dans le management du sport. « Mon rêve ? C’était de couvrir les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ». Malgré une implication irréprochable de sa part – « Je lisais l’Equipe tous les jours quand j’étais à la fac » – Alice n’est pas entièrement satisfaite de cette licence. Les années passent, et les études commencent à avoir raison d’elle. « J’ai fini ma licence pour le diplôme », concède-t-elle, amère. Après sa dernière année, le constat est clair pour la passionnée de sport : « Pour devenir journaliste, il fallait que j’aille en master. Mais je ne me voyais pas refaire 2 ans d’études. J’en ai eu marre. J’ai donc arrêté ». A la suite de cette rupture, Alice décide de rechercher du travail. C’est sur le Bon Coin qu’elle trouve cette offre : « Je n’y connaissais rien, mais j’aimais le fromage. Je me suis dit : “Allez, au talent ! ” » avoue-t-elle en rigolant. De l’audace ? Sûrement… Toujours est-il que le coup de foudre est bien présent : « Je le sentais bien, l’endroit était hyper accueillant : une belle rencontre ! ».
« Le matin, je me lève je ne sais pas ce qui m’attend »
Arrivée en 2018 à la fromagerie de Bondues, cela fait un peu plus de 3 ans que ses plateaux arborent les vitrines de son commerce. Et pour autant, même triple lauréate, elle a du mal à définir sa profession : « C’est un métier très polyvalent ! ». Accrochez-vous, la liste est longue : « Il faut connaître le nom de tous les fromages, apprendre à couper, à plier les papiers car il y a une technique spéciale, apprendre les goûts, les textures, à les vendre au client et aussi savoir faire des plateaux. Ça, c’est ma spécialité. » D’une voix souriante, elle nous assure même : « le matin, je me lève, je ne sais pas ce qui m’attend. Mais je vais au travail avec le sourire. Chaque jour, au moins un plateau de fromages doit être réalisé. Les week-ends, il peut y en avoir 10 ou 20. Il y a une créativité que j’adore ! » Cette joie de vivre transmise dans ses paroles, ainsi que sa rigueur et son don inné en tant que fromagère lui auront même valu de belles histoires.
« Je n’étais pas stressée, le prix je savais que j’allais l’avoir »
« En 2020, mon patron me dit “Allez, tu vas le faire”, et me voilà au concours de la Lyre d’or ». Alice se trouve alors dans un pavillon du Salon de l’agriculture où elle remporte la Lyre d’argent (2ème place) : « On devait faire un buffet pour 50 personnes avec comme thème “Tout cru”. A cette occasion, j’ai également remporté le Prix des Influenceurs : les bloggeurs et autres influenceurs votaient uniquement pour l’aspect esthétique.» A la suite de ces récompenses, Alice devait logiquement être sélectionnée pour les Rabelais des Jeunes Talents, trophée récompensant des jeunes professionnels qui se sont distingués dans leurs professions, dans la catégorie crémier-fromager. L’édition 2020 étant annulée à cause de la pandémie, les participants sont regroupés avec la promotion 2021. « Je devais répondre à un quiz et les 3 meilleurs gagnaient le Rabelais des Jeunes Talents. j’ai fini sur le podium ». Un troisième trophée pour Alice, qui était invitée à l’Elysée le 12 janvier dernier afin de recevoir son trophée. « Je n’étais pas stressée. Le prix, je savais que j’allais l’avoir car j’avais réussi le test ». Et elle se souviendra longtemps de cette réception. « C’est un lieu exceptionnel, tout le monde n’a pas la chance d’y aller. Pendant 30 minutes, le Président a fait un discours, c’est un très bon orateur. » Une journée riche en souvenirs qu’Alice nous aura racontée les étoiles plein les yeux.
« Mon père ? Il était dégouté car il n’aime pas le fromage »
Une réorientation réalisée sur le fil. Alice Basse en est consciente, et l’avenir lui a montré qu’elle avait su saisir sa chance. Revenant sur le journalisme avec un poil de nostalgie, un constat se dresse sur les raisons de son divorce : « Je n’avais jamais fait de stage dans le journalisme. Je me serais rendu compte que ce n’était pas fait pour moi ». Une première réalité du métier lui donne un coup derrière la tête : « Dans le monde du sport, les femmes ne sont pas souvent très bien accueillies ». D’une impressionnante lucidité malgré peu de recul, la fromagère a également compris qu’être derrière son bureau ne l’intéressait pas. Elle désirait seulement rencontrer les gens et les interviewer. Aujourd’hui, elle fait face à des dizaines de clients chaque jour. Au cœur des contacts humains, elle en rigole : « Le commerce était fait pour moi. » Maintenant que son choix est fait, il reste une étape, le dire à ses proches. « Mon père, il était dégouté parce qu’il n’aime pas le fromage ! » s’amuse la jeune Nordiste, avant d’ajouter « Ils ont directement vu que j’étais plus heureuse que pendant mes études ». A 24 ans, Alice a toujours soif de défis. Prochaine échéance, ouvrir sa propre fromagerie, avant d’être, pourquoi pas, sur la route du concours des Meilleurs Ouvriers de France.