Propagande au Palais des Beaux Arts

Mercredi 14 octobre à 19h30 était projeté au Palais des beaux-arts le documentaire Propaganda, la fabrique du consentement, une œuvre de Jimmy Leipold. Produit par Arte et l’INA, le document retrace la carrière du méconnu –à tort- Edward Bernays et sa notion de propagande. Un terme plus que jamais d’actualité… Circonflex y était.


Depuis l’auditorium du musée lillois, Propaganda, la fabrique du consentement nous emmène à travers un voyage historique aux racines de la notion de relations publiques. La discipline, inventée par Edward Bernays, est en réalité plus connue sous le nom de propagande. Il s’agit de façonner l’opinion, de la manipuler par tous les moyens possibles en s’adressant aux émotions, à l’inconscient et aux instincts des individus.

À la fin du 19ème siècle, des théories non-empiriques font leur apparition : la foule serait une entité menaçante qui forcerait l’irrationalité et l’aliénation des individus. C’est la peur de l’ochlocartie. Ces idées sont théorisées par des auteurs comme Gustave Lebon ou Walter Lippmann dans La psychologie des foules et Public opinion, des ouvrages de référence.

 Préparer l’entrée en guerre

Lorsque les États-Unis décident d’entrer en guerre en 1917, le président Wilson fait appel à un jeune homme de 26 ans alors inconnu : Edward Bernays. Il intègre la commission Creel, qui doit mettre sur pieds un arsenal mental, une machinerie destinée à retourner l’opinion publique américaine et à préparer l’entrée en guerre. Cette dernière était inacceptable aux yeux des Américains en 1916. Pourtant, en 1917 les Allemands sont considérés comme un ennemi de la nation. La propagande est née. À travers des opérations de communication, Bernays a réussi à retourner l’opinion publique. Une première dans l’histoire de l’humanité.

A la fin de la guerre, Bernays créé sa propre agence de propagande à New-York qu’il nomme Relations publiques, le terme propagande étant devenu trop péjoratif. Une incroyable machine se met progressivement en route. Bernays invente ce qu’il appelle « La fabrique du consentement » ou comment transformer le citoyen en consommateur capitaliste.

Œufs au plat et Bacon !

Le documentaire s’arrête sur différents évènements témoignant de la puissance des relations publiques.

Ainsi, le petit déjeuner américain, composé d’œufs au plat et de bacon vient directement d’une campagne de communication de Bernays commandée par une entreprise agroalimentaire. Bernays s’est appuyé sur 400 médecins qui ont relayé à sa demande la recommandation de prendre un « petit-déjeuner copieux » composé d’œufs et de Bacon.

Dans les années 30, il met au point des méthodes d’incitation à la consommation pour des firmes de tabac comme Lucky Strike : il va notamment aller jusqu’à briser le tabou selon lequel les femmes ne pouvaient pas fumer en public à travers une opération communicationnelle de grande envergure dans laquelle les cigarettes sont appelées des « torches de la libertés ».

Neveu de Sigmund Freud, Bernays s’est largement inspiré des théories de psychanalyse de son oncle ; notamment dans la mise au point de ses techniques de manipulations de l’opinion. Ses travaux sont par ailleurs utilisés dans la propagande nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Spin doctors

Aujourd’hui, les relations publiques sont partout, tout le temps. En politique, on parle de spin doctors : ces maîtres de la communication politiques comme Steve Bannon. Ce dernier, conseiller de Donald Trump en 2016, a construit la victoire du candidat républicain sur une communication biaisée, souvent mensongère. Tout était calculée.

Au-delà d’un regard sur notre histoire, ce reportage pose surtout des questions sur notre avenir. Où en est la démocratie? Sommes-nous réellement libres si nous sommes manipulés en permanence ? La démocratie peut-elle exister sans la manipulation ? Est-il possible de dissocier démocratie et capitalisme ?

A la fin de la projection, Jimmy Leipold qui était présent, n’a pas manqué de répondre à nos questions et d’en soulever d’autres. L’auditoire était unanime : la compréhension du travail de Bernays apporte des clés à la compréhension du monde saturé de communication dans lequel nous vivons.

Le réalisateur bordelais travaille actuellement sur une suite qui se voudra moins historique et plus actuelle, un bon moyen de continuer à démocratiser cette notion méconnue et négligée.

Une coproduction d’Arte et de l’INA à laquelle Circonflex Mag ne manquera pas d’assister.

Célestin de Séguier