Au sein de l’exposition Colors etc. Couleurs et sens dans le design au Tripostal, Lille3000 a invité Sylvain Groud, le directeur du Ballet du Nord, à flirter avec les œuvres d’arts en proposant leur relecture lors d’une nocturne organisée le 25 septembre 2021. CirconflexMag y était.
La nocturne est un temps particulier, hors des horaires d’ouverture au public. C’est une possibilité de voir les couleurs d’une autre façon, sous une autre lumière. Sylvain Ground a pensé sa nocturne comme un dialogue avec la couleur par le biais de la danse.
« Le danseur devient ainsi une partie de l’œuvre d’art ».
L‘idée de cette performance ? Initier les visiteurs à une autre façon de voir les couleurs et les œuvres d’art de l’exposition. « Ces couleurs, exposées par le biais de différents prismes créateurs, sont une proposition d’état de corps, d’expérience physique. J’ai donc rassemblé autour de moi neuf danseurs avec qui j’ai la chance de travailler au Ballet du Nord et je me suis attelé à les accueillir dans les œuvres, les territoires de créateurs qui me parlaient le plus. Le danseur devient ainsi une partie de l’œuvre d’art », explique Sylvain Groud.
D’après le chorégraphe, la performance est un dialogue entre les couleurs et l’artiste – c’est la danse qui leur sert de langage : « Elle permet de faire entrer en dialogue le corps dansant à cette proposition singulière de la couleur ». Les danseurs sont libres d’improviser, de montrer leurs émotions à travers la danse- il n’y a pas de chorégraphie scrupuleusement écrite.
Faire confiance aux sens
Du point de vue de Sylvain Groud, l’exposition souligne l’importance de se fier aux sens. Il décide donc de ne pas ajouter de musique à la performance et de laisser les participants dans l’univers sonore de l’exposition. « Il y a plusieurs œuvres qui ont déjà un univers sonore. Je ne voulais surtout pas apporter une musique additionnelle, qui ne vienne pas du créateur. Ça serait une forme de viol. Qui suis-je pour rajouter des éléments aux œuvres d’arts ? Je me fais inviter par l’œuvre, il faut que je fasse preuve de plus d’humilité possible », constate le chorégraphe.
Les spectateurs sont amenés à se concentrer, et à faire confiance aux sens – il faut se permettre d’écouter : « La robe en papier du danseur, les caresses des pieds sur le sol, le jingle de la SNCF qu’on entend à la Gare Lille Flandres, des motos dehors – tout ça nous permet d’être encore plus liés à ce qu’on ressent. Ce n’est pas un silence. »
Un pont entre l’artiste et l’humain
Sur le site du ballet du Nord, Sylvain Groud avait publié une « recherche de danseur.se.s amateur.s complices ». Car la performance ne se limite pas uniquement aux danseurs du Ballet du Nord. « J’essaye de réduire le fossé qui est creusé entre la proposition du créateur, de l’artiste et le spectateur qui se penserait ordinaire. Je crois que le fait que le spectateur soit invité par l’un de ses semblables et non pas par un danseur extraordinaire qui passe sa jambe derrière la tête est quelque chose de moins lointain- le transfert peut se faire plus facilement », explique le chorégraphe. Ce sont les danseurs amateurs qui sont les guides de la performance. Ils invitent les spectateurs à marcher d’une façon rythmique à travers l’exposition, pendant près de quarante minutes.
C’est le mental qui suit le corps
D’après Sylvain Groud, le rythme est une manière d’inviter les spectateurs à se concentrer avec les artistes, à se rassembler autour d’un acte aussi simple que la marche : « La marche consciente permet d’accepter une dimension plus sacrée, de se mettre en grande disponibilité et ouverture. On dit ouverture d’esprit, mais pour moi, tout commence par le corporel – c’est le mental qui suit le corps. Grâce à ce rituel qui se met en place, on rentre dans un calme, dans une sérénité. »
L’exposition Colors etc. sera ouverte au Tripostal jusqu’au 14 novembre 2021.