L’art de captiver par le regard

Ancien éducateur spécialisé, le street artiste Kelu Abstract mise tout sur le regard dans ses portraits. Peintures, collages, il communique aux autres sa passion à travers des œuvres captivantes. Circonflex Mag l’a rencontré.

Sous un ciel nuageux qui ne laisse entrevoir que quelques rayons d’automne, Luc alias Kelu Abstract nous a donné rendez-vous chez lui, dans son atelier. Cette remise, à l’odeur de peinture encore fraîche mélangée à la cigarette froide, c’est son lieu de création, là où ses œuvres prennent vie.

Après les formules de politesse habituelles, Kelu passe très vite au sujet de sa vie, à son histoire, au street art. Pendant 15 ans, il a été éducateur spécialisé. Le social, c’est l’un des combats. Luc souhaite aider les personnes sans domicile fixe et celles en situation de handicap. En plus de son engagement professionnel, il s’exerçait déjà à la peinture : « Au début, je m’exprimais sur des toiles qui s’entassaient dans mon garage. Au bout d’un moment, j’ai voulu m’en débarrasser, je les ai donc posées dans la rue avec une étiquette dessus où il y avait écrit ‘free art’. C’était amusant de voir ce qu’il se passait ». Les réactions ont été diverses : ses toiles ont été retrouvées parfois cassées, abîmées, ou alors des messages de remerciements lui revenaient. Il a aimé la réponse des gens : « ce qui m’a plu, c’est l’interaction que je pouvais créer avec mes toiles ».

Grâce à ces échanges, il commence à faire des collages et des manifestations artistiques comme Solid’art (salon solidaire d’art contemporain du Secours Populaire). Il réalise aussi quelques projets avec des jeunes du centre Gapas, où il exerce son métier d’éducateur spécialisé auprès de jeunes handicapés. Avec eux, il réalise divers petits collages. Après quelques années à jongler entre son travail d’éducateur spécialisé et sa passion, il décide de monter son entreprise et de se consacrer à son art, « pourvu que ça dure… ».

“Le regard, c’est 95% de l’œuvre”

Ce qu’il aime dans les collages et le portrait, c’est la proximité avec les gens : « Je trouve ça dingue de tout de suite pouvoir exposer son travail, c’est une bonne manière de communiquer ». C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il s’est intéressé aux portraits. « Pour mettre quelque chose dans la rue, il faut qu’il y ait un échange de regards… Le regard c’est 95% de l’œuvre, ça doit figer ». Kelu Abstract ne donne jamais de nom à ses œuvres. Selon lui, un titre influencerait les spectateurs : « Mon travail c’est d’être toujours dans l’ambiguïté, il n’y aura jamais un personnage qui pleure franchement ou qui rit aux éclats. C’est toujours entre les deux, de manière à ce que les gens choisissent ce qu’ils ont envie de voir ».

“Il a commencé l’année où je suis né”

À côté des collages, Luc mène différents projets. Il fait maintenant des toiles pour des particuliers. Pendant le confinement, il a décidé de mettre des masques sur plusieurs statues à Lille. « Je ne m’interdis rien, si j’ai une idée, je fonce ». Il est aussi l’assistant de Jef Aérosol, l’un des pionniers du street-art dans les années 1980. Cette collaboration, c’est un honneur pour Ketu : « Il a commencé les pochoirs l’année où je suis né, travailler avec lui c’est quelque chose de super sympa, j’étais fan avant même de le rencontrer ».

Ces derniers temps, il est aussi en exposition à Orléans. Il a conçu deux œuvres sur des cartons, dont la moitié des bénéfices sera reversée à une association pour les sans-abris. La fibre sociale de l’artiste n’est jamais bien loin.