Après quelques heures d’avion, de bus et de taxi, nous y sommes. Partis de l’aéroport d’Orly ce matin, notre petit groupe d’étudiants lillois va à la rencontre d’étudiants palestiniens. L’objectif ? Échanger et comprendre la vie des jeunes sur place. La Palestine, pays contesté, région contrastée est sous nos yeux. Elle est reconnue pour être l’une des zones les plus conflictuelles du monde et pourtant… Nous ne le ressentons pas. Entre accueil chaleureux et partage, donnons la parole à la relève. Entretien avec Tala, étudiante en langue française et porte-parole d’un jour de cette jeunesse qui ne demande qu’à s’exprimer.
Circonflex Mag : Commençons par le commencement, qui es-tu ?
Tala : Je m’appelle Tala Shelbayeh, j’ai 22 ans. J’étudie le français et la littérature à l’Université Nationale An-Najah. Je suis traductrice indépendante et je fais un stage à l’Institut français de Naplouse.
Pourrais-tu nous présenter une journée type de cours ?
Cela dépend du jour. Parfois, on débute les cours tôt le matin. Il y a d’autres jours où l’on commence les cours après la pause universitaire de 12h00.
Plus tard dans la journée, on rentre chez nous ou on va au travail. Une grande partie d’entre nous est concernée par ce « double-emploi ». Nous sortons parfois le soir, mais c’est la période d’examens en ce moment… Donc, c’est un peu difficile de sortir. Les révisions passent avant tout !
Faire partie de cette institution est un honneur.
Qu’est ce qu’être étudiante à l’université An Najah ?
Le monde est une grande société masculine, et c’est encore plus évident dans le monde oriental. Il n’y a pas très longtemps, des gens étaient encore contre l’éducation des filles, surtout les villageois. Mais maintenant, la situation a beaucoup changé. Les filles font des études supérieures, et plus que les garçons. Etre une étudiante à l’université, n’importe laquelle, est un privilège qui n’était pas toujours accessible aux femmes au sein de notre société.
L’université An-Najah a toujours essayé de renforcer le rôle des femmes dans la société palestinienne. Pour moi, faire partie de cette institution est un honneur.
Comment trouves-tu cette université ?
L’université An-Najah, même si elle n’est pas vraiment comparable avec d’autres dans le monde, est l’une des meilleures universités en Palestine. Dès sa construction, elle a joué un rôle important dans l’amélioration du niveau d’éducation dans le pays. En plus de faire connaissance avec des étudiants de différentes villes palestiniennes, l’université m’a donné la chance de rencontrer des étrangers mais aussi de voyager et découvrir le monde. L’université An-Najah s’implique beaucoup dans l’enrichissement du bagage culturel de ses étudiants. Pour cela, elle travaille avec des consulats et des organisations pour donner aux étudiants une chance de voyager en proposant formations et stages.
Parlons un peu de la jeunesse en général, nous connaissons le contexte lié au conflit confrontant Israël et Palestine. Quelle place est attribuée aux jeunes dans la société malgré cela ? Penses-tu que la voix de la jeunesse est entendue et pèse dans les décisions du gouvernement ?
Au niveau gouvernemental, les jeunes n’ont pas un vrai rôle dans la prise des décisions puisque la situation politique est un peu compliquée. Mais, au niveau local, il y a des conseils de jeunes. Ils permettent à ces derniers de prendre des décisions qui concernent les affaires municipales. Il y a aussi des centres de formation qui proposent aux jeunes des ateliers de leadership pour les aider à avoir des rôles actifs dans la société.
Les jeunes d’aujourd’hui sont les responsables de demain.
De nombreux Palestiniens affirment que la voix du pays est monopolisée par les grands politiques. Quels sont vos moyens d’expression à vous, les jeunes ?
En général, la situation des jeunes n’est pas la meilleure. Ils rencontrent beaucoup de problèmes, comme la « précarité universitaire » qui les pousse à travailler au lieu de se concentrer sur leurs études. Il y a aussi le problème du chômage pour ceux qui ont fini leurs études. De cause à effet, puisque les opinions des jeunes ne sont pas bien entendues, il ne peuvent pas changer les choses.
Au final, le moyen d’expression le plus utilisé par les jeunes, c’est l’art, que ça soit le graffiti, la musique, la poésie ou encore la danse. D’autres recourent aux actions un peu plus “extrêmes” comme les manifestations qui restent en général pacifiques. Celles-ci sont devenues un moyen important dans la transmission de messages vers ceux qui peuvent faire bouger les choses.
Est-ce que tu penses personnellement que la jeunesse a un rôle à jouer dans l’amélioration de la situation ?
Oui. Les jeunes d’aujourd’hui sont les responsables de demain. Nous sommes affectés par les décisions des partis politiques. Nous, on sait ce qu’on veut. On sait comment améliorer la situation de notre pays. Le seul problème ? C’est que nous ne sommes pas autorisés à prendre part à la prise de décisions. Mais nous n’abandonnerons pas, nous nous battrons afin d’obtenir un rôle actif.
Quel est ton plus grand rêve ?
C’est sans aucun doute de vivre en Europe. Je veux travailler comme traductrice pour une organisation internationale, comme Interpol ou bien l’ONU.