Aux frontières, les fumeurs jouent au puissance quatre

Le Conseil d’Etat a donné six mois à la France pour fixer à la hausse sa politique d’importation de tabac afin de s’aligner avec les autres pays membres de l’UE.

 800 cigarettes, 400 cigarillos, 1 kilo de tabac à rouler :  c’est ce que les Français auront bientôt le droit de transporter en passant les frontières. C’est-à-dire quatre fois plus qu’aujourd’hui. Depuis l’annonce du décret, c’est la panique chez certains buralistes lillois. Ils craignent que leur chiffre d’affaire, déjà fragilisé, en subisse les conséquences. Entre le prix actuel des paquets de cigarettes qui ne fait qu’augmenter et cette future mesure, ils s’inquiètent pour la survie de leurs établissements. « Il faudrait déjà que tous les paquets des pays européens soient au même prix, ce qui voudrait dire baisser les prix en France, au lieu de faire passer ce décret », regrette Elyas, gérant du bureau de tabac Le Saint-Maurice.

Car nos voisins sont de féroces concurrents. Le prix du paquet belge est à 8 €. Chez nous, il tourne autour de 10 à 11 €. « Après tout ça ne changera pas grand-chose, les fumeurs font déjà l’aller-retour. La Belgique n’est pas très loin. Mais il ne faudra pas s’étonner après de l’augmentation des fraudes avec la revente », ajoute-t-il. Déjà en 2021, d’après le rapport parlementaire d’Éric Woerth et de Zivka Park, ce marché parallèle représentait 14 à 17 % de la consommation totale de tabac.

Adrien, fumeur de 20 ans, habite à Wattrelos. A dix minutes à pied de la frontière belge. Il ne cache pas sa satisfaction : “Pouvoir faire passer quatre cartouches, ça évite les aller-retours trop souvent. Et puis pourquoi ne pas en faire profiter les copains ? ” Il faut dire qu’en achetant ses cigarettes en Belgique plutôt qu’en France, il économise près de 100 euros par cartouche… “Il n’y a pas de petites économies, moi, ce décret, j’en suis content ”.   

Romain, lui, est buraliste dans une célèbre chaîne de l’autre côté de la frontière. “Les Français prennent déjà la quantité de tabac qu’ils veulent. Ils n’hésitent pas à prendre ce risque. Ce nouveau décret ne va pas changer grand-chose… si ce n’est que ils risqueront moins de se faire arrêter par les douaniers”. Pas sûr que les buralistes français partagent cette analyse.