Martin Baloge : 10 ans après les attentats du 13 novembre, il raconte

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Il refuse le mot « victime ». Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, Martin Baloge raconte ce qu’il a vécu au Stade de France et dans les jours qui ont suivi, avec la distance d’un enseignant-chercheur… et les images qui restent.

Ce soir-là, il est au Stade de France avec sa mère. Le match France-Allemagne commence et, très vite, une première explosion retentit. « Ce n’était pas le bruit habituel d’une bombe agricole. C’était… autre chose. » Il ne se souvient ni du score ni des actions. Seulement de ces détonations qui percent la routine d’un match amical. Derrière lui, des enfants d’un club de foot chuchotent qu’« il se passe des choses à Paris ». Lui ne consulte pas son téléphone. « À aucun moment je me dis que c’est un attentat. On ne pense pas à ça dans un stade. »

« SI QUELQU’UN ARRIVE ARMÉ, QU’EST-CE QUE JE FAIS ? »

La panique arrive plus tard, quand les portes restent fermées et que la foule s’agite. Martin Baloge se souvient d’un réflexe presque instinctif : repérer les sorties, protéger les enfants autour, garder son calme. « On se met à penser à des choses irrationnelles. Si quelqu’un arrive armé, qu’est-ce que je fais ? » Les éducateurs crient aux enfants de ne pas bouger, certains pleurent, et l’inquiétude se propage dans les tribunes.

Dehors, la situation n’est pas plus claire. Plus de transports, téléphones bloqués, informations par bribes. Il marche dans Paris, se perd, finit par dormir dans un petit hôtel du 18e arrondissement. « Je me retrouvais seul, sans savoir ce qui se passait ailleurs. » Pourtant, avec du recul, ce ne sont pas ces heures-là qui l’ont le plus marqué. C’est ce qu’il voit ensuite : les bougies devant La Belle Équipe, les fleurs, le silence autour du Bataclan. « C’est là que j’ai vraiment réalisé l’horreur. »

« REVOIR LA BELLE EQUIPE PLEINE, ÇA M’A FAIT DU BIEN » 

Il habitait alors dans le 11e arrondissement, tout près des terrasses visées. Il connaissait les lieux sans y être ce soir-là. « Je me suis senti privilégié d’avoir été au stade. Je suis passé loin de la mort. » Une sorte de peur, s’est installée dans les jours qui ont suivi : regarder les entrées d’immeubles, réfléchir à où se réfugier, surtout tant que Salah Abdeslam était en fuite. « Je sortais encore, mais j’évitais les foules. Ça a disparu quand la menace est descendue. »

À la différence d’autres témoins, Martin Baloge n’a pas cherché l’oubli. Il a cherché la compréhension. « J’avais besoin de lire, de voir, de savoir exactement ce qui s’était passé. Une forme de boulimie d’information. » Dix ans plus tard, il enseigne ces événements avec distance mais sans froideur. « On a vécu attentats et crises. En cours, je prends de la hauteur. Mais ça n’enlève rien au tragique. » Il observe, en politiste, la communication de l’époque : François Hollande accouru au Bataclan, l’État affichant sa continuité, l’apparition de François Molins comme figure publique, un traitement journalistique « plutôt bon » et souvent respectueux.

Ce qui domine, dix ans après, c’est l’idée de résilience. Paris a tremblé, puis s’est relevée. « Revoir La Belle Équipe pleine, ça m’a fait du bien. » Le jour de l’anniversaire, ses pensées iront vers les victimes du Bataclan et des terrasses, vers leurs proches. Lui continue de se définir comme témoin : quelqu’un qui a vu la ville basculer et se relever.

Paul Blancon