Mordu d’aéronotique et de ballon depuis l’âge de 15 ans, Vincent Leys a toujours eu le vent en poupe. A 65 ans, le pilote de ballon le plus médaillé de l’Hexagone a des étoiles dans les yeux lorsqu’il parle de sa passion. Rencontre avec le Nordiste, quelques semaines après la victoire de la France dans la 66ème édition de la coupe aéronautique Gordon Bennett.
Des murs crème, un feu qui crépite doucement dans la cheminée et une légère odeur de crêpes. Vincent Leys nous reçoit dans la maison familiale de Villeneuve d’Ascq, théâtre de nombreuses aventures. Assis au milieu des trophées et des photos souvenirs, il est impossible de ne pas remarquer la passion du Nordiste : elle occupe toute la place sur les murs et sur les étagères. “Le ballon a une place centrale dans notre quotidien, ça fait partie de notre identité”, résume-t-il en souriant. Au-delà du pilote, c’est toute une famille qui est impliquée dans la passion du ciel et des ballons. Et peu importe que ces derniers soient à gaz ou à air chaud.
Vincent Leys a découvert cet univers à l’âge de 15 ans et n’a plus jamais quitté le ciel des yeux. Cette tradition, originaire du Nord, lui a été transmise par Robert Déveque, fondateur de l’association aérostatique du nord de la France, un homme que Vincent évoque toujours avec beaucoup d’émotion. “C’est grâce à Monsieur D’évêque que je possède toutes ces connaissances. Je lui dois beaucoup”, confie-t-il. Amoureux d’un sport méconnu, le pilote a aujourd’hui pris le relais de son instructeur et s’attelle à transmettre son savoir et sa passion aux jeunes générations qui partagent son amour pour les ballons.
La victoire pour celui qui va le plus loin
En 1980, il créé le Club des Ballons Libres du Nord et s’attaque à la conception de ses premiers ballons : le Point d’exclamation, suivi du Point de Suspension. Vincent, qui confectionne ses engins lui-même, en a également dédié deux à son ancien instructeur, les Robert d’Eveque 1 et 2. La toile, les cables et bien d’autres choses sont confectionnées directement par le pilote et sa joyeuse bande. Le tout prend place là où cela se peut, jusque dans l’intérieur de la maison familiale. “La fabrication était complètement artisanale. On faisait tout ça dans le séjour avec les copains, on allait même jusqu’à investir mon laboratoire professionnel !”, se rappelle le prothésiste dentaire, qui a longtemps partagé son temps entre carrière sportive et profession.
1995. Un géant de 1000m3 voit le jour dans le salon de la maison familiale. Le Petit Prince –c’est son nom– devient le premier ballon à gaz de compétition de Vincent. Grâce à son Petit Prince, Vincent et son frère Jean-François prennent pour la première fois le départ de la coupe aéronautique Gordon Bennett, le championnat du monde de ballon à gaz. La règle de ce championnat est simple : la victoire revient à celui qui va le plus loin. Et ça, Vincent sait faire. 4 victoires et 16 Gordon Bennett plus tard, le Petit Prince atteint encore des sommets. Cette année, c’est lui qui a offert à la France une victoire lors de la 66ème édition. Piloté par Benoit Havret et Eric Decellieres, le géant du ciel a parcouru 2 661 kilomètres en 85h de vol, “C’est fou de se dire que ce même ballon vole encore aujourd’hui et gagne toujours cette Gordon Bennett, surtout avec Cédric et Benoit dont j’ai longtemps été l’instructeur”, raconte le pilote, de la nostalgie plein les yeux.
Entre technique et hasard : un fragile équilibre
Il y a une dizaine d’années, les coupes et tissus envahissent à nouveau le quotidien de la famille Leys : un nouveau bébé, Le grain de Folie vient agrandir la fratrie. Grâce à ce nouveau prince du ciel, Vincent ajoute 3 victoires de plus à son palmarès. Il comptabilise aujourd’hui un total de 9 victoires dans ce championnat du monde, ce qui fait de lui le pilote de ballon le plus médaillé de l’Hexagone. “Toutes ces succès résultent d’un travail d’équipe. C’est ce qui rend ces belles histoires possibles. La logistique, les infos météo, le suivi … venir nous récupérer lorsqu’on atterrit au bout du monde : tout ça, on ne peut pas le faire seul !”, tient à souligner Vincent, les yeux remplis de souvenirs. Avec plus de 40 ans de ballon à son actif et 18 coupes Gordon Bennett, le sportif aux cheveux grisonnants a traversé l’Europe , entraînant dernière lui toute son équipe de passionnés, notamment sa femme Laurence et leurs trois enfants, aujourd’hui adultes. Sport plein d’incertitudes, le ballon oscille sur un fragile équilibre, entre technique et hasard causé par les conditions météorologiques ou les enjeux politiques qui occupent le ciel. “Lors de la coupe de 2017, nous avons dû négocier un petit couloir entre les espaces aériens biélorusse et Kaliningrad, il n’y avait que 35 km pour passer et, comme un ballon ne se dirige pas, c’était assez technique !”, se souvient Vincent.
Là où le vent le mène
Aujourd’hui retiré de la compétition, le pilote chevronné n’a pas perdu pour autant son sens de l’aventure et son goût du voyage. Les pieds bien sur terre, il ne peut s’empêcher de prendre son envol régulièrement pour admirer les plus beaux paysages de France : “Nous avons vécu de très belles années avec la Gordon mais j’arrive à un stade où me faire plaisir est plus important. Je laisse la place aux jeunes. Avec Cédric et Benoit, la relève est assurée”, explique le retraité. Avec un emploi du temps chargé, entre voyages et vols, le tout entrecoupé d’amitié et de vacances à vélo, Vincent Leys se nourrit aujourd’hui des plaisirs simples de la vie et va, comme il l’a toujours fait, là où le vent le mène.