Maud, le combat d’une vie

« On reste une femme ». Un message que Maud Cassar souhaite faire passer à travers son témoignage dans Circonflex Mag . Apres avoir surmonté deux cancers du sein en 2016, elle s’est tournée sans hésiter vers le tatouage thérapeutique pour parfaire sa reconstruction . Portrait d’une combattante.

 

Circonflex Mag : Comment avez-vous entendu parler des tatouages thérapeutiques ?

Maud Cassar : Je suis suivie par le CHU de Lille et par une chirurgienne plasticienne puisque j’ai fait une reconstruction mammaire. Ils m’ont indiqué les coordonnées de Laureen, ma tatoueuse. Je me suis rapprochée d’elle pour entamer la dernière étape de reconstruction.

 

 

Aviez-vous des appréhensions, des doutes ?

Non, honnêtement quand on a vécu des épreuves de chimio et de radiothérapie avec une ablation totale d’un sein, on apprend à relativiser… J’ai été suivie par les meilleurs. Je me suis dit que si ma chirurgienne plasticienne jugeait utile de m’envoyer le numéro d’une tatoueuse, j’allais avoir affaire à quelqu’un de compétent. En dehors de sa posture professionnelle, elle a des mains en or. C’est quelqu’un qui se démarque.

 

 

Il s’agissait de votre premier tatouage ?

Je n’aime pas du tout les tatouages (rires) ! J’ai eu une ablation totale d’un sein gauche et une ablation partielle du sein droit. Après tous mes traitements, je voulais une reconstruction naturelle. J’ai 49 ans, je n’avais pas envie de mettre de prothèses. Laureen a vraiment reconstitué le dessin d’un mamelon et d’une aréole d’un sein

 

 

« C’est un renouveau extraordinaire »

 

 

Comment avez-vous accepté l’aiguille sur votre corps ?

Il y a une petite appréhension. Quand c’est un tatouage thérapeutique sur un mamelon avec une coloration sur l’aréole après opération, impossible d’être douillette. Ce n’est pas possible lorsque l’on est déjà passé par des étapes beaucoup plus difficiles. Psychologiquement comme physiquement. Les traitements contre le cancer sont extrêmement lourds. Il faut s’accrocher.

 

 

Votre ressenti en regardant votre reflet dans le miroir ?

J’ai été ému, j’ai embrassé Laureen.  C’est un renouveau extraordinaire. Apres cette expérience terrible, l’ablation d’une partie de vous même, vous avez beaucoup de chagrin. Vous n’êtes plus totalement une femme, vous n’êtes plus totalement désirable. Vous avez un rapport à votre corps qui est différent. Parfois, on sent son sein alors qu’il n’est plus là… C’est quand même assez déroutant. Il faut psychologiquement être très costaud. Mais avec le tatouage, vous êtes une nouvelle femme. Vous vous redécouvrez. C’est toute une expérience de vie.  Ce n’est jamais simple, mais je pense que tout cela peut vous rendre plus forte.

 

 

« Il faut être marathonienne pour supporter  de tels parcours »

 

 

Pourriez-vous le refaire, revivre cette expérience ?

C’est trop tôt pour le dire. Je viens de sortir de ces deux cancers de 2016. Le dernier tatouage de Laureen, c’était il y a un mois. Désormais, je veux me poser, avancer. Il faut être marathonienne pour supporter de tels parcours. Les chiffres et les statistiques sont parlants : peu de femmes ont la force, après des traitements aussi lourds, d’entamer tout un processus de reconstruction. Cela demande plusieurs opérations. Il faut avoir une bonne forme physique.  Et être capable de comprendre ce qui se passe dans sa tête et dans son corps.

 

 

Un message pour toutes les femmes atteintes de cancer du sein qui ne connaissent pas le tatouage thérapeutique ou hésitent à en faire ?

Un message … (elle réfléchit). J’aimerais vraiment parler d’un autre très beau soin, qu’on appelle un soin de support : c’est la photographie thérapeutique. Cette méthode – se faire photographier – aide les femmes en rémission à accepter leur image, à regarder de nouveau leur corps, à en comprendre les changements. J’ai moi-même participé à une séance organisée par deux anciennnes journalistes du Monde. Au fur et à mesure du shooting, j’ai accepté de dévoiler mon nouveau sein, mon nouveau corps. Cela m’a aidé à reprendre confiance en moi. Et si je devais résumer mon parcours aujourd’hui, je dirais que quoi qu’il en coûte, quoique la maladie nous fasse vivre, indéniablement, on est une femme et on le reste.

 

Julie Lefebvre