Manif’ en bon uniforme

Chaque samedi à 13h30 sur la place de la République, les opposants au pass sanitaire sont de retour pour une nouvelle mobilisation.  Maquillage, fausses dents, perruques et paillettes sont au rendez-vous. Circonflex Mag vous montre comment, dans la capitale des Flandres, le cosplay peut devenir un nouveau symbole de contestation.

Prisonnier vampire, Masque blanc, Clown policier, Viking du futur … savez-vous ce qu’est le cosplay ? Si ce n’est pas le cas, rassurez-vous, vous êtes loin d’être les seuls ! Pour expliquer le terme, le cosplay est un mot-valise composé des mots anglais “costume” et “play”/ jouer. Il s’agit généralement d’incarner un personnage fictif en adoptant son costume, mais aussi en y ajustant sa posture, ses mouvements et ses expressions, à la différence du simple déguisement d’apparat. Aperçue dès les premiers jours des manifestations contre le pass sanitaire, cette vague de couleur s’est propagée dans toute la France et notamment à Lille où les protestations sont particulièrement fortes. Fermez les yeux et imaginez partir à la rencontre d’une personne maquillée, perruquée et vêtue d’une tenue plutôt … bizarre.  Pourtant, vous n’êtes pas en période de Carnaval. Derrière ces atours hauts en couleurs, cet univers d’artifices et de déguisements est en vérité porteur d’un symbole fort en contestation.

« La scène, c’est la rue ! »

Entre tambours et chants collectifs, ce phénomène artistique, né dans les années 70 aux Etats-Unis, est devenu un moyen d’apporter une certaine diversité au sein des manifestations contre le pass sanitaire, tout en étant attaché à un concept fédérateur. “Le principe, c’est de déambuler sur une bande sonore avec des messages forts et des chorégraphies légères mais très marquantes”, explique avec panache Sylvie, habillée d’un masque blanc. Mais ce n’est pas tout ! Comme au théâtre, les manifestations sont un moyen de se mettre à nu : “La scène, c’est la rue ! Ce que nous souhaitons à travers le cosplay, c’est accentuer les messages de contestations face aux mesures sanitaires restrictives imposées. En incarnant différents personnages qui nous représentent ou au contraire qui nous oppressent”, confie un manifestant caché derrière un maquillage de clown.

Une occasion en or de (re)créer un lien social

Qu’est-ce qui pousse des gens à s’engager dans les manifestations en usant de telles pratiques ? Omar, un prisonnier vampire, a son explication :  “Les participants aux manifestations, parfois timides, isolés, généralement confrontés à des évènements difficiles, ont souvent envie de dépasser leurs blocages et de retrouver une vie sociale. Pour certains, le cosplay est un moyen de faire rire, de faire pleurer, mais surtout de compenser le fait de ne plus avoir accès aux lieux de rencontres et de loisirs. Pour d’autres, c’est aussi un besoin impérieux de dire des choses, de transmettre une expérience ou de défendre les convictions qui les ont amenés à manifester. Nous vivons dans une prison virtuelle et le cosplay est une clé magique qui permet de s’exprimer”.

Omar en est certain, ce que les gens découvrent, c’est un espace pour parler, se rencontrer, pour s’exprimer, s’affirmer, trouver sa place dans la société et reprendre sa vie en main. En bref, une occasion en or de (re)créer du lien social et de la solidarité pour les manifestants.

“Mes enfants ne me regardent plus de la même façon”

” J’ai porté un masque pendant 2 ans. Aujourd’hui, j’en porte un sur tout le visage pour témoigner de mon combat contre les mesures imposées par le gouvernement ” explique Thomas, les poings fermés et le bras levé vers le ciel.

Le cosplay relève aussi du besoin d’expression, de la nécessité de porter sa voix, d’être entendu, de s’engager dans le monde par un échange d’idées, d’émotions, de sentiments. John, habillé en Viking du futur, nous raconte : “Mes enfants ne me regardent plus de la même façon. Ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas ce qui me donnait envie de continuer à manifester. Je leur ai dit que c’était le combat de ma vie et que le fait de me costumer n’avait pas pour but d’être ridicule mais au contraire de porter un message fort pour la défense de nos libertés. Aujourd’hui, ils regardent ma démarche de cosplay différemment. Il y a quelque chose qui s’est créé, ils sont fiers”.

Ces manifestations d’un nouveau genre inaugurent-elles une nouvelle façon de protester, plus festive et plus ludique ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il y a un lien, une chaleur humaine, un échange fort qui se développe au sein des manifestations en cette période difficile de crise sanitaire !