Le 14 novembre 2023, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi « pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration ». Les modifications apportées au texte initial par la Chambre Haute sont largement décriées, notamment par les associations qui luttent pour les droits de l’Homme. Nous nous sommes rendus au siège lillois de la Cimade.
« Encore une énième loi qui consiste à restreindre les droits des étrangers qui arrivent ou résident déjà sur le territoire français ». Catherine Guy en est certaine, le projet de loi dit immigration, porté par le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin n’apporte pas les bonnes réponses. Catherine est bénévole à la Cimade. Fondé lors de la Seconde Guerre mondiale, le Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués (Cimade) a toujours défendu des valeurs humanistes. « La Cimade est en solidarité active avec les personnes étrangères en situation de migration sur notre territoire », explique Catherine Guy. Elle œuvre pour l’accès aux droits et l’égalité des droits. Comme de nombreuses associations qui défendent les droits de l’homme, elle s’élève contre le projet de loi du gouvernement. Notamment contre plusieurs mesures, durcies, voire transformées par la majorité républicaine sénatoriale.
Précarité et insécurité
Catherine Guy en est certaine, « le projet de loi restreint les droits et présente des mesures insuffisantes sur l’intégration, voire même la complique. C’est le cas par exemple du durcissement des exigences relatives à la maîtrise de la langue française ». Elle relève un paradoxe dans l’ambition de ce projet de loi. Pour parvenir à l’intégration, il faut que les personnes immigrées soient en situation régulière, et non l’inverse comme l’envisage cette réforme. De même, l’aide médicale d’Etat, qui devient aide médicale d’urgence, focalise les oppositions. La Cimade, au même titre que nombre d’assos, met en avant le revers de la médaille : les renonciations aux soins par une partie des étrangers installés sur le territoire, et la porte ouverte aux maladies contagieuses…
La régularisation des métiers en tension, élément phare de la réforme, est également un point très controversé. Les sénateurs ont voté pour le remplacement de l’article 3 -qui prévoyait de régulariser les personnes travaillant dans les secteurs en tension- par l’article 4 bis. Celui-ci projette désormais d’octroyer des titres de séjours d’un an de manière exceptionnelle. « Il s’agit d’une mesure qui représente assez peu la situation réelle de l’emploi, estime Catherine Guy. Le second problème, c’est qu’il s’agit d’un titre limité dans le temps ». La précarité et l’insécurité des travailleurs sans-papiers seraient renforcées.
Selon l’INSEE, 7 millions d’immigrés vivent en France
Catherine Guy tient à mettre en lumière une problématique souvent occultée dans les débats publics. Il arrive que des personnes étrangères en situation régulière sur le territoire perdent leurs papiers et basculent dans le non-droit, en raison des procédures administratives qui peuvent être longues ou de circonstances personnelles. Ces personnes sont d’autant plus vulnérables face à la menace du durcissement des procédures d’expulsions prévu par cette nouvelle loi, notamment les OQTF (Obligation de quitter le territoire français). « Ce projet de loi qui durcit ne résoudra rien, mais dressera un peu plus une partie de la société contre une autre », conclut la bénévole.
Selon l’INSEE, 7 millions d’immigrés vivaient en France en 2022, soit 10,3 % de la population totale. 2,5 millions d’immigrés, soit 35 % d’entre eux, ont acquis la nationalité française.
La Cimade est une association loi de 1901 de solidarité active et de soutien aux migrants, aux réfugiés et aux déplacés, aux demandeurs d’asiles et aux étrangers en situation irrégulière. Elle a pour objet de veiller au respect des droits et de la dignité des personnes, quelle que soit leur situation. Des campagnes de mobilisation sont mises en œuvre avec différents corps associatifs. Ainsi, La Cimade se rend régulièrement à l’accueil de jour du Secours Catholique à Calais, avec le bus des droits financé par l’université catholique de Lille. Bénévoles et étudiants accompagnent les personnes étrangères dans l’accès aux droits.