C’est sur la Grand ’Place de Lille que Javier passe ses journées, assis par terre à faire la manche en souriant. Emmitouflé dans son blouson rouge, casquette militaire vissée sur la tête, il est plutôt discret, n’aborde pas les gens et se contente de leur sourire timidement.
Vivre dans la rue, Javier a toujours connu cela. Il est parti de Roumanie à 5 ans pour arriver en France où il a grandi en faisant la manche dès son plus jeune âge dans les rues de Marseille.
Aujourd’hui, il est encore dans la rue, désormais à Lille, et nous raconte son quotidien : « J’arrive à manger grâce aux maraudes, et je dors presque tous les jours en auberge, avec d’autres sans-abri »
Certaines fois, il est obligé de passer la nuit dehors. Souvent à cause du manque d’argent. Mais aussi parce que certaines auberges n’acceptent pas les chiens. Il nous dit que dormir dehors lui fait très peur, car il a sans-cesse la crainte de se faire voler son chien ou ses affaires, mais aussi de se faire agresser par d’autres sans-abris.
« Le sentiment d’insécurité est toujours présent quand on dort à la rue et c’est difficile de s’en débarrasser. »
J’ai perdu la notion du temps
Javier est un homme plutôt bienveillant, et ça se ressent. Souriant et très calme, il attire souvent les passants qui viennent caresser son chien, Luis.
Il est toujours en bonne compagnie, avec ce chien qui l’accompagne depuis un bon bout de temps. Avant lui, il y en avait un autre, Javier se rappelle : « J’ai toujours vécu avec un chien, même quand j’étais petit, c’est un soutien pour ne pas me sentir seul ». Et il ajoute :« c’est aussi un moyen d’attirer les gens qui aiment les animaux ».
Javier a un certain âge, mais on ne saura jamais lequel, et lui non plus d’ailleurs. Cela fait trop longtemps qu’il ne sait plus, à force de vivre la même chose chaque jour. « Je ne sais même pas quel jour on est, j’ai perdu la notion du temps », constate-il. Malgré cela, Javier est heureux, en tout cas, c’est ce qu’il dit. La pauvreté ne le rend pas triste. Il n’a connu que ça. La seule chose qui peut le rendre mélancolique, c’est d’avoir perdu de vue sa petite sœur, qu’il n’a jamais retrouvée. C’est aussi de ne pas avoir de descendance. « J’aurais tellement aimé avoir un enfant », regrette t-il.
Heureusement, Luis fait un tabac auprès des plus jeunes et nombre d’entre-eux viennent le voir régulièrement. C’était d’ailleurs le cas lors de notre rencontre, où trois jeunes enfants lui ont tenu compagnie pour caresser son chien, et discuter avec lui.
Quand on lui demande comment sont les Lillois, il hoche les épaules en souriant. Puis il nous dit que oui, beaucoup de gens sont gentils et bienveillants, certains viennent lui parler, lui apporter de l’eau ou lui donner un ticket restaurant, avec un sourire en prime. Mais ce n’est pas toujours le cas. « Beaucoup m’ignorent, ne me regardent même pas quand ils passent devant moi ». Et il y a de l’amertume dans sa voix.