Emile et le carnaval de DUNKERQUE

Le coronavirus a malheureusement mis fin aux festivités du Carnaval de Dunkerque. La population se retrouve confinée pour une durée encore indéterminée. Malgré l’annulation de tous les événements, Circonflex mag a décidé de vous partager sa rencontre avec Emile Hibon. Il est carnavaleux depuis de nombreuses années et président de l’association des Peulemeuches.

Circonflex Mag : Quand et comment avez-vous découvert le carnaval ?

Emile Hibon : Quand on habite à Dunkerque, il est difficile de passer à côté du carnaval. C’est en 1973 que j’ai fait ma première bande avec mes copains d’école, j’avais 12 ans.

Qu’est-ce qui vous plait dans le carnaval ? 

Tout d’abord, il faut aimer se déguiser et j’adore ce côté exutoire. Nous sommes là pour nous amuser et rencontrer des gens. Le carnaval de Dunkerque se vit, on fait connaissance avec des personnes qu’on ne croise souvent qu’une fois par an. J’ai une bande de copains avec qui je fais carnaval depuis très longtemps et on a l’habitude de se retrouver chaque année.

Bonnet de nuit

Vous faites carnaval entre amis, le faites-vous aussi en famille ?

Ma femme et ses parents sont très carnavaleux. J’ai l’habitude de faire le carnaval avec mon épouse, mais quand on a des jeunes enfants, c’est plus compliqué. On a bien essayé de faire carnaval séparément pour garder le petit chacun notre tour, mais ça ne nous convenait pas. Maintenant le dernier a 8 ans et la grande 15 ans. Elle a fait son premier bal cette année, mais juste une fois. Elle peut donc gérer le petit.

Vous êtes président des Peulemeuches, pouvez-vous nous en dire plus sur cette association ?

Peulemeuches, ça veut dire bonnet de nuit en dunkerquois. Les Peulemeuches, c’est le nom d’une association carnavalesque et philanthropique créée en 1987 pendant les années folles du carnaval, quand il était en plein essor. Philanthropique signifie que l’on récupère de l’argent pour en faire bénéficier les personnes dans le besoin. Cette association est basée à Hoymille, une commune à côté de Bergues. Elle a permis de regrouper les carnavaleux sous une même identité et sous les mêmes couleurs. Nous sommes 45 membres dans l’association.

Les bénévoles des Peulemeuches

Comment se passe un bal chez les Peulemeuches ?

Le premier bal a eu lieu en 2000 et depuis, nous en faisons un par an. On essaie d’amener toujours un peu de déco avec les petits moyens que nous avons, nous ne sommes pas comparables au Kuursal. On essaie également d’innover. Par exemple, il y a 6 ans, on a été le premier bal à n’utiliser que des gobelets réutilisables. Maintenant, cela va devenir obligatoire dans tous les bals. Je donne 400 invitations. Les gens aiment bien notre ambiance, c’est un bal de copains qui est moins la cible de certaines exactions liées à l’alcool. Dans notre bal, il y a un orchestre et un renfort carnavalesque. Il y a également un tambour-major qui est le chef d’orchestre des musiciens, il guide la bande et porte un costume de grenadier. Les musiques varient, 1h de musique moderne et de danse et ensuite, 30 minutes de musiques de carnaval. Cela permet de conserver un rythme traditionnel. Le bal s’arrête à 4h30.

La cantate à Jean Bart

Votre anecdote la plus belle ?

J’ai un souvenir fabuleux et très émouvant. J’ai été à l’origine d’un CD de chansons carnavalesques chantées par des enfants. Il nous a fallu 3 ans pour trouver le financement et s’entourer des bonnes personnes. Notre but, c’était de transmettre aux enfants le patrimoine culturel des chants carnavalesques. J’ai travaillé avec 15 écoles et pas moins de 1 118 enfants, nous avons détourné quelques paroles, réécrit les partitions dans une tonalité plus enfantine. Les moments d’enregistrement ont été magiques. On a les poils qui se dressent quand on entend la cantate à Jean Bart chantée par 110 petites voix. Les écoles étaient ravies d’avoir un outil pour faire le carnaval sans trop de grivoiseries.

… la plus personnelle ?

Oh, il y en a beaucoup ! J’ai demandé mon épouse en mariage pendant le carnaval …j’ai appris que mon épouse était enceinte la veille des 3 joyeuses …et nous nous sommes également mariés pendant la période du carnaval !

…. la plus drôle ?

Je ne sais pas si c’est la plus drôle, mais en tout cas, elle est originale. Dans mon équipe de copains, je ne croisais l’un d’entre eux que lors des grosses bandes. Jamais durant l’année. Je ne le connaissais que dans son costume de carnaval. Nous nous sommes rendus compte des années plus tard que nos deux filles faisaient de la danse au même endroit et qu’on se croisait toutes les semaines en civil … sans se reconnaitre.

… la plus universelle ?

Je ne pense pas qu’il y ait une anecdote universelle puisque chacun fait le carnaval d’une manière différente. Certains font des chapelles, d’autres reçoivent leurs amis. En revanche, il existe de grandes figures du Carnaval que tout le monde connaît comme Cô Pinard. Il y a également des personnes qui font l’intrigue. Léon et Yolande sont masqués en vieux bonhomme et vieille dame mais personne ne sait qui ils sont vraiment.

… la plus symbolique ?

Le carnaval, c’est aussi une façon de refléter les situations actuelles du pays. Depuis 8 ans, pour la bande de Dunkerque, avec un ami, on fait une banderole qui s’appuie sur un fait d’actualité. L’an dernier, on avait écrit : « Le pouvoir musical appartient aux cirés jaunes ». Cela faisait référence aux musiciens qui portent un ciré jaune au dessus de leur marinière. Mais bien, c’était aussi un clin d’œil aux gilets jaunes, LE sujet du moment.

Rendez-vous l’an prochain pour un carnaval qui, on l’espère, sera revenu à la normale et qui pourra de nouveau être célébré comme il se doit.

Laurane Becquerelle