Confinement : pas de répit pour le Collectif solidarité Roms

Alors qu’un nouveau confinement est entré en vigueur le 30 octobre, des centaines de personnes issues de la communauté roms continuent de vivre dans les bidonvilles autour de la MEL. Une situation inacceptable contre laquelle lutte le Collectif Solidarité Roms 59, dirigé par Dominique Plancke. Circonflex Mag les a suivis.


Je n’oublierai pas la première fois que je me suis rendu dans un des bidonvilles de la MEL, accompagné de Dominique Plancke, responsable du Collectif Solidarité Roms 59, qui m’accordait généreusement un peu de son temps pour m’exposer la situation. Nous sommes mi-octobre, il fait humide dans la région lilloise, couverte d’une grisaille dense et déjà impénétrable.

 

Une cabane délabrée, comme lessivée par un ouragan

 

Le rendez-vous est donné porte d’Ypres, pour se rendre ensuite sur le camp qui se situe entre le boulevard Robert Schuman et l’avenue Adolphe Max, surnommé familièrement La Poterne. A l’entrée, une cabane délabrée, comme lessivée par un ouragan « C’est la cabane des seuls Français du camp », me dit Dominique. Un peu plus loin, sur la plaine, nous rejoignons des familles roms qui travaillent sur des véhicules enlisés dans la boue, tandis que des enfants jouent autour d’eux.

 

« Comment peut-on envoyer nos enfants à l’école (…) ? »

 

C’est une évidence, ici,  les conditions de vie sont extrêmement difficile : il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, on se chauffe au réchaud à bois quand on en a un, on ne se chauffe pas si on en a pas. Les enfants sont sales, il y a de la boue partout. « Comment peut-on envoyer nos enfants à l’école si on n’a pas d’eau pour laver leurs vêtements ?», nous dira plus tard une mère de famille. Dominique sert d’intermédiaire pour toutes sortes de démarches auprès de la mairie ou de la préfecture : gestion des obligations de quitter le territoire (OQTF), gestion de la scolarisation des enfants, gestion des autorisations de vente au marché de Wazemmes, etc. Je commence à comprendre petit à petit quel est le rôle du Collectif.

 

« On craignait vraiment que ce soit pire »

 

A l’époque, Dominique me racontait déjà que le premier confinement avait été très difficile, même si « on craignait vraiment que ce soit pire, au vu des conditions sanitaires dans les camps ». Le virus ne circulait pas activement entre les camps, mais deux personnes de la communauté roms étaient alors décédées des suites de complications de la covid-19.

 

« L’accès à l’eau est une priorité »

 

Aujourd’hui, le collectif doit faire face aux mêmes problématiques qu’au printemps : face à la pandémie et au confinement, comment aider les familles roms des bidonvilles ?

Sur Zoom, où se tient l’Assemblée Générale du mois de novembre, les visages sont graves : « Cette fois-ci, pas d’aide alimentaire, concentrons-nous sur l’aide sanitaire et sur l’eau », propose Mireille, une des membres historiques du collectif. Les avis sont mitigés. Les citernes d’eau déposée au début de l’année à la Poterne (dans le vieux Lille) sont maintenant percées et doivent être changées pour servir à nouveau : « l’accès à l’eau est une priorité », souligne un des membres pendant la réunion. En ce qui concerne la distribution de tickets services, ces petits chèques de 3,5€ qui permettent de faire des achats de première nécessité, rien n’est sûr, le collectif n’en a presque plus. Il n’est pas possible d’en donner à certains sans en donner aux autres. Le risque de conflit entre les familles ou les camps est trop grand.

 

Distributions de produits d’hygiène

 

En ce qui concerne la mendicité, qui représente un des revenus principaux des Roms, celle-ci est toujours possible et n’est pas interdite. Mais bien sûr, avec le confinement, elle est moins rentable, il y a moins de monde dans les rues. Le travail de ferraillage lui, n’a pas repris : « il est devenu trop difficile de trouver de la ferraille en quantité suffisante », explique Mireille. Le groupe décide finalement de reprendre les distributions de produits d’hygiène (savon, masques, serviettes) mais ne s’engage pas pour l’instant dans des distributions alimentaires. Celles-ci sont déjà effectuées par d’autres organisations et demandent une logistique très importante.

 

« Les choses ne bougent pas assez vite »

 

Le combat majeur du collectif, ces derniers mois, c’est donc bien l’accès à l’eau. Malgré un rapport d’expertise rendu public, effectué par l’ONG Solidarités Internationale qui s’est rendu dans 25 terrains autour de la MEL -les 14 et 15 septembre- pour évaluer les possibilités de raccordement au réseau d’eau, « les choses ne bougent pas assez vite », s’accorde-t-on à dire. Ce rapport est prometteur pour les possibilités de mise aux normes de certains camps, mais remarque-t-on au Collectif, « personne ne prend de décision ». Pour la MEL, accorder l’eau, c’est institutionnaliser les camps, on préfère donc ne rien faire. Une situation insoutenable du point de vue des droits humains.

 

Célestin de Séguier