Coiffeur longue durée

Alors que de nouvelles manifestations sont attendues dans toute la France ce mardi 31 janvier 2023 pour protester contre la réforme des retraites, Circonflex Mag s’est intéressé à un dispositif bien particulier de cette réforme- les carrières longues- qui concerne les Français ayant commencé à travailler avant 20 ans. Nous avons rencontré Pierre Boens. Il a 18 ans et est coiffeur à Lille.

« Coupez juste les pointes, s’il vous plaît ! ».Cette phrase, Pierre l’entend plusieurs fois par jours depuis un an. A seulement 18 ans, il a obtenu un CDI dans un salon de coiffure situé à deux pas de la Grand’Place à Lille.
« Je ne suis vraiment pas quelqu’un de scolaire, être assis sur une chaise toute la journée pour écouter un professeur, ce n’est pas pour moi… », dit-il en rigolant. Dès son plus jeune âge, Pierre sait qu’il veut devenir coiffeur. A 17 ans, le jeune homme originaire d’Armentières se lance dans un CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) coiffure. « Grâce à cette formation, j’ai pu entrer très vite dans la vie active, tout en suivant en parallèle une formation théorique à l’école », se félicite Paul. Et c’est chez Tchip Coiffure qu’il commence son apprentissage, le salon de coiffure où il nous accueille aujourd’hui.

 Je ne sais pas dans quel état physique et moral je serai à 61 ans !

A 17 ans, alors que de nombreux jeunes sont encore sur les bancs de l’école, Paul, lui commence à cotiser pour sa retraite. S’il continue à travailler jusqu’à la limite d’âge, on qualifiera sa carrière professionnelle de « carrière longue ».
« Je ne comprends pas tout à la réforme, je sais juste que je vais devoir travailler plus…», déclare-t-il en levant les yeux au ciel. En ayant commencé sa carrière à 17 ans, Paul devra travailler jusqu’à 61 ans pour cotiser 44 annuités s’il veut toucher toute sa retraite. Avant la réforme, il aurait pu arrêter sa carrière professionnelle à 60 ans, en ayant cotisé 43 ans.
« Je ne sais pas dans quel état physique et moral, je serai à 61 ans», poursuit-il d’une voix un peu inquiète. Il le sait, le métier de coiffeur n’est pas de tout repos ni sans risques pour la santé. Inhalation de produits toxiques, allergies, fatigue morale… tout cela fait peur à Paul. « Je connais des personnes qui ont dû arrêter ce métier à 20 ans parce qu’elles n’étaient déjà plus en état de continuer ».

 Décaler la retraite à 64 ans pour les personnes dans mon cas aurait été injuste

Alors bien sûr, le jeune coiffeur ne fait pas partie des travailleurs français qui vont voir leur âge de départ à la retraite progressivement reculer jusqu’à 64 ans. « Mais je soutiens toutes les personnes qui sont et vont aller manifester, en particulier les jeunes» exclame-t-il. Pour Paul, c’est important que les jeunes s’expriment sur ce sujet, même si ça ne les concerne pas tout de suite. Lui revient soudain la réflexion d’une de ses clientes, sûrement retraitée, entendue un peu plus tôt dans la journée : « vous, les jeunes, vous pensez déjà à la retraite». Dans le ton de sa voix, il a senti de la désapprobation: « elle semblait dire que parce que les jeunes se battent pour leurs retraites, ils veulent déjà arrêter leur activité. Je suis juste soucieux de l’avenir, nous ne sommes pas des machines à travailler toute notre vie ! ». Un coup de ciseau… un regard rapide dans le miroir pour s’assurer du résultat… il poursuit :

« Lorsque j’ai choisi cette voie professionnelle, je ne pensais pas forcément à ma retraite. Aujourd’hui, je suis quand même soulagé et reconnaissant que le gouvernement n’ait pas décalé à 64 ans la retraite pour les personnes dans mon cas. Vraiment, cela aurait été injuste ».