Rosemitha Pimont, son passé d’aujourd’hui

Le très célèbre Nietzsche disait que « l’enfance est innocence mais aussi négligence. C’est un recommencement, un jeu, une roue libre, un premier mouvement, un Oui sacré ». Pour Rosemitha Pimont, l’enfance est le fil rouge de notre construction sociale, tout au long de la vie. Mais pourquoi donc cette jeune femme, gracieuse et déterminée, porte tant d’intérêt à l’enfance ?

Studio de la radio UCLille. Fin d’antenne. Rosemitha éteint son micro, retire son casque et se joint à Circonflex Mag, le temps d’une interview. Son histoire ? Celle d’une jeune fille à l’enfance incroyablement mouvementée et marquée par les récits des adultes. A presque 20 ans, la jeune étudiante en communication a de nombreux projets en tête. Et un seul but : devenir journaliste. « Je rêve de partir aux 4 coins du monde pour monter des projets sur le long terme et aller à la découverte des gens ».

Ses parents décident de la placer dans un orphelinat.

La vie de Rosemitha, telle qu’elle nous la conte, est faite de 3 périodes bien distinctes : sa famille biologique, l’orphelinat et son adoption. « La question des phases est importante pour bien comprendre toute l’histoire de ma vie ». Benjamine d’une famille de 9 enfants, elle grandit à Haïti jusqu’à ses 5 ans avec sa famille biologique. Mais pour des questions d’argent et afin de lui donner plus de chances de réussir sa vie, ses parents décident de la placer dans un orphelinat. Pendant près de 3 ans, elle cohabite avec une vingtaine d’autres enfants dans une petite maison, cloitrée à l’intérieur à cause des risques de kidnapping : « j’ai dû sortir à peine 8 fois en tout, pour le médecin, les papiers et les déménagements ». Sa vie à l’orphelinat, qu’elle nous décrit comme « assez vétuste », forgera le côté très curieuse et mature de la jeune femme qu’elle est devenue aujourd’hui. En 2007, sa mère adoptive, venue tout droit de Rouen, vient la chercher à Haïti. Elle a 8 ans, elle traverse l’Atlantique. Il faut soudain apprendre le français, se familiariser avec sa nouvelle culture et sa nouvelle famille. Tout cela a été possible grâce à sa maman, enseignante en classe de primaire, qui lui a permis de rattraper très rapidement le niveau scolaire de ses camarades et de vivre une enfance pleine de belles découvertes et de souvenirs marquants.

L’enfance est la base de tout.

Alors bien sur, c’est son histoire et les péripéties de son enfance qui ont forgé l’intérêt qu’elle porte aux préambules de la vie. Tous les 15 jours, Rosemitha anime une émission sur la radio de sa fac, Radio UCLille.  Elle reçoit des invités, de tous âges, de tous milieux, et discute avec eux de leur enfance. Sa voix est douce et bienveillante, elle prête aux confidences. Autour du micro, les invités racontent, se souviennent, partagent une anecdote, une musique, les images reviennent … Ces interviews, Rosemitha les réalise aussi pour concrétiser un grand projet : rassembler le plus possible d’histoires de vie et les retranscrire dans un ouvrage. Elle a déjà choisi le titre, Notre Passé d’Aujourd’hui, et le fil rouge, l’enfance. « Je m’intéresse beaucoup à l’impact de l’enfance sur le devenir. Ce que l’on a vécu au cours des premières années de notre vie, c’est ce qui influence la personne que nous devenons en grandissant. Que ce soient nos centres d’intérêts, notre opinion, notre comportement en société. L’enfance est la base de tout. »

Elle a repris contact avec l’un de ses frères.

Dans la rue, en voiture, chez elle ou à la radio, elle ne compte plus le nombre de témoignages qu’elle a collecté : plus de 80, sur des personnes âgées de 15 à 101 ans et de 12 nationalités différentes. Sa curiosité, son côté un peu « fouineuse même, des fois », lui ont permis de rencontrer des inconnus, mais aussi de redécouvrir des membres de sa famille. D’ailleurs, il y a quelques mois, elle a repris contact avec l’un de ses frères biologiques. Grâce à ces retrouvailles, elle appris ce que sa famille d’Haïti était devenue, elle n’avait pas eu de nouvelles depuis toutes ces années.

Rosemitha raconte que son projet est bien sur très lié à son histoire, mais aussi au fait qu’elle a toujours aimé écouter les gens parler. Lorsqu’elle était plus jeune, elle adorait se blottir sur les genoux de ses parents et les écouter discuter de tout et de rien.  Souriante et pleine d’ambition, la jeune femme travaille toujours plus dur pour mener à bien les récits qui font écho à son enfance. Et peut être, un jour, aura-t-elle l’occasion de venir nous en reparler, une fois son ouvrage dans les bacs.

Rosemitha en 3 dates :
5 février 2000 : naissance à Port-au-Prince, Haïti
9 janvier 2008 : arrivée à Rouen, France
Tous les 15 jours, le dimanche à 10h : l’émission Notre passé d’aujourd’hui sur UCLille
Maé Ferté