
Chaque année, entre 800 et 900 étudiants Erasmus franchissent les portes de Lille pour y poursuivre leurs études. Des Marocains aux Américains en passant par les Italiens, ces jeunes venus d’ailleurs s’approprient progressivement la vie lilloise, avec ses cafés étudiants, ses festivals et son climat qui fait grelotter. Loin de chez eux, ils apprennent à vivre seuls, à se débrouiller face à la bureaucratie française et à trouver une seconde maison.
Lille a la réputation d’être une ville étudiante, accueillante et dynamique. Mais quand on débarque de Casablanca, de Milan ou de Chicago, les premières impressions sont souvent contrastées. « J’ai trouvé que les gens étaient pressés et qu’il faisait vraiment froid ! » raconte Naima, 22 ans, étudiante marocaine en master de communication. Elle n’est pas la seule à avoir ressenti ce choc thermique. Pour elle, comme pour les milliers d’autres étudiants étrangers qui arrivent en France chaque année, l’adaptation demande du temps, de la patience, et une bonne dose de résilience.
« Les briques rouges, les petites rues … c’est très charmant »
Naima vient de Casablanca et avait une envie précise en tête en choisissant Lille : « Je voulais absolument faire mes études en France, et j’ai choisi Lille parce que c’est une ville étudiante très dynamique et plus abordable que Paris. Plusieurs amis marocains m’en avaient parlé en bien. » Les réseaux d’étudiants étrangers fonctionnent souvent de bouche à oreille, des conseils partagés entre amis et des points de repère établis au fil des années.
Sara, 21 ans, venue de Milan pour un échange Erasmus en lettres modernes a eu un coup de foudre d’un autre type. « J’ai adoré l’architecture ! Les briques rouges, les petites rues, les marchés… C’est très charmant. » Elle aussi s’est rapidement intégrée. Le programme Erasmus dont l’Université catholique de Lille accueille entre 200 et 300 étudiants chaque année en provenance de plus de 40 pays, joue un rôle déterminant dans cette intégration réussie. Les associations étudiantes créent du lien, organisent des sorties, des repas en commun. « En quelques semaines, beaucoup se sentent chez eux », confirme Madame Lefèvre, responsable Erasmus à l’Université.
« Les débuts ont été un peu difficiles »
Mais avant de profiter des gaufres lilloises ou de danser dans les bars du Vieux Lille, il faut passer par le parcours du combattant administratif. Madame Lefèvre le sait bien, c’est son rôle d’accompagner les étudiants étrangers dans ce dédale de démarches. « La barrière de la langue reste le premier obstacle, même si beaucoup parlent déjà un peu français. Ensuite, il y a les démarches administratives, parfois compliquées : logement, carte de séjour, ouverture de compte bancaire… » explique-t-elle. Naima l’a ressenti : « Les débuts ont été un peu difficiles, surtout avec les démarches administratives. Mais à la fac, j’ai rencontré d’autres étudiants étrangers donc je ne me suis jamais sentie seule. »
Ce sentiment de solitude, c’est justement ce que les responsables Erasmus cherchent à prévenir. L’université n’est pas qu’un endroit où suivre des cours, c’est un espace de vie où se nouent les premiers liens, où l’on découvre comment fonctionnent les choses. Sara en témoigne : « Le programme Erasmus organise beaucoup d’activités. J’ai rencontré des amis de partout, et les profs sont accessibles. »
« En France, tout est plus cadré »
Les différences culturelles surgissent rapidement, souvent de manière inattendue. Naima a été frappée par l’écart dans la manière de vivre ensemble : « Au Maroc, on partage tout, on se parle facilement, ici, chacun garde plus son espace personnel. » Sara, elle, observe une certaine retenue dans les rapports sociaux : « Je trouve les Français un peu plus « formels » que les Italiens, mais très curieux quand ils apprennent que je suis étrangère. » Et puis il y a Leo, 23 ans, étudiant américain en sciences politiques, venu de Chicago. Pour lui, c’est le système français qui est déroutant : « En France, tout est plus… cadré. Aux États-Unis, on est plus détendus sur les règles, ici il y a toujours un cadre à respecter. »
Pourtant, ces différences ne découragent pas ces jeunes. Au contraire, elles les stimulent. L’expérience leur apporte bien plus qu’un diplôme supplémentaire. « Beaucoup d’autonomie. Je me sens plus adulte, plus confiante aussi », confie Naima. Sara renchérit : « C’est une vraie ouverture d’esprit. J’apprends à me débrouiller seule et ça me donne envie de voyager encore plus. » Quant à Leo, son regard sur le monde a changé : « J’ai acquis une meilleure compréhension de l’Europe et de la culture française. Et un vrai sens de l’adaptation. »
443 500 étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur français
Mais qu’apportent ces étudiants à Lille et à ses universités ? Madame Lefèvre ne cache pas son enthousiasme : « Ils apportent beaucoup d’énergie, de curiosité et une ouverture d’esprit précieuse. Les échanges interculturels profitent aussi aux étudiants français, qui découvrent d’autres façons d’apprendre et de vivre. »Le contexte est d’ailleurs favorable : en 2024-2025, 443 500 étudiants étrangers sont inscrits dans l’enseignement supérieur français, une hausse de 3% en un an et de 17% en cinq ans. Ces étudiants représentent environ 15% des effectifs étudiants en France.
Les difficultés existent, bien sûr. Leo a dû s’adapter au rythme des profs : « pas facile de comprendre les profs quand ils parlent vite ! Et aussi le système universitaire français, très différent du nôtre. » Quant à Naima, elle souffre de la distance avec sa famille. « Et surtout du climat », avoue-t-elle en riant.
Mais tous s’accordent sur un point : Lille finit par se révéler accueillante. « Les Lillois sont plus ouverts que je ne le pensais », assure Naima. Pour Leo, la ville a d’autres atouts : « Les bars, les musées, les trajets en train vers d’autres villes européennes. Lille est super bien située. » Et Sara de conclure, en véritable amoureuse de sa ville d’accueil : « L’ambiance conviviale et les soirées étudiantes. Et aussi les gaufres ! »
« Ne reste pas entre étrangers »
Quand on demande à ces trois étudiants quel conseil ils donneraient aux futurs venus, ils sont unanimes. Pour Naima : « Ne te décourage pas les premières semaines. Lille peut sembler froide au début, mais elle devient vite une deuxième maison. » Sara insiste sur le courage : « Ose parler, même si ton français n’est pas parfait. Les gens apprécient l’effort. » Et Leo, pragmatique : « Ne reste pas entre étrangers, essaie de t’intégrer, de parler français, même si c’est difficile au début. »
Au final, ce que partagent Naima, Sara et Leo, c’est l’expérience de devenir adulte loin de chez soi, d’apprendre à se débrouiller, de découvrir que les frontières peuvent rapprocher autant qu’elles divisent. Lille, avec ses briques rouges et ses hivers glacés, n’est peut-être pas toujours accueillante au premier abord. Mais elle sait transformer les étudiants de passage en ambassadeurs passionnés, prêts à raconter à leurs amis d’ailleurs pourquoi cette ville grise du nord les a captivés.
Clélia Saccomanno