Une jeunesse désenchantée, chronique d’un abstentionnisme annoncé ?

À 4 mois des élections présidentielles, les candidats commencent à dévoiler leur programme et à regrouper les 500 signatures. Mais un jeune sur deux de 18-24 ans ne votera pas. Soit par manque d’intérêt, soit à cause de contraintes administratives. Circonflex est allé enquêter sur la lutte contre l’abstentionnisme des jeunes Français et Françaises.

Ce phénomène de désenchantement de la vie politique et de l’abstention nous paraît normalisé aujourd’hui. Mais pour Vincent Tiberj,  sociologue et enseignant à Science Po Bordeaux, les dernières élections européennes, régionales et départementales étaient parmi les premières vraiment boudées par les jeunes -87 % des 18-24 ans ne sont pas allés voter aux 2 scrutins de 2021. Signe d’une crise démocratique ou d’une transformation de la citoyenneté ? Dans une interview faite par Reporterre, Vincent Tiberj penche pour l’hypothèse d’un changement culturel à long terme : “Avec le renouvellement générationnel, le vote représente de moins en moins le comportement participatif central des citoyens, au profit d’autres formes de participation politique.”.
De nouvelles pratiques, plus contestataires, sont adoptées par les plus aguerris : “Ces jeunes – urbains et diplômés- manifestent, signent des pétitions, se mobilisent via les réseaux sociaux, s’investissent dans des associations locales.” Mais ce n’est pas le cas de tous :  “Certaines catégories, notamment plus populaires, s’abstiennent, mais ne s’impliquent pas non plus dans des associations ou des syndicats. Et c’est préoccupant.”

Ce bilan mitigé montre que tout n’est pas perdu. Puisque les jeunes ont un rapport différent à la citoyenneté, comment faire revenir l’ensemble des jeunes dans les bureaux de vote? Certains se sont lancés dans cette mission.

Il est encore possible de lutter contre l’abstentionnisme des jeunes

Dorian Dreuil, responsable associatif, est devenu spécialiste des enjeux de mobilisation citoyenne et de démocratie active. Grâce à son expérience professionnelle chez Oxfam et Action contre la faim, il témoigne aujourd’hui en tant que cofondateur de l’ONG A voté. Et il croit pouvoir changer les choses : “Il est encore possible de lutter contre l’abstentionnisme des jeunes sur le long terme et trouver des réponses à ces changements culturels”. Il a cofondé cette organisation après s’être questionné sur 2 enjeux : “le manque de structure qui travaille pour la participation électorale indépendante et non-partisane.” Et puis il s’est interrogé “sur les formes d’engagement et de mobilisation citoyenne possible pour donner de l’impact aux études et recommandations scientifiques (…) sans faire de campagne présidentielle”.


L’organisation A voté mène principalement des activités de sensibilisation au vote et d’accompagnement sur le terrain avec les jeunes citoyens grâce à sa stratégie sur les réseaux sociaux. Elle a récemment lancé un chatbot Whatsapp “pour aider les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales et accéder à toutes les informations utiles sur les scrutins à venir, en partenariat avec Meta France, Ouest-France et 20 Minutes.

Hackaton: Mission Élysée

Pour cristalliser ses réflexion, elle met en œuvre des projets pour mieux intégrer les jeunes avec l’aide d’autres acteurs. Les 22 et 23 janvier derniers, A voté a collaboré au Hackaton: Mission Élysée, organisé par le Think Thank Penser l’Après et d’autres partenaires. Les participants avaient 48h pour proposer un projet avec une solution concrète pour inclure les jeunes dans les processus démocratiques (application pour smartphone, campagne de projets pour les collégiens, jeux de société etc). Ils ont reçu l’aide de divers mentors, dont Dorian Dreuil, les fondateurs du média Le Crayon, les membres d’associations lycéennes et  plus encore.

Dorian espère voir un changement sur la mobilisation à ces scrutins grâce au travail de chercheurs, activistes, des citoyens qui composent A voté. Ils veulent rompre avec le cycle qui se reproduit à chaque période de suffrage: “on s’inquiète avant les élections, on commente et analyse le taux de participation dans l’entre-deux tours. Puis après le second tour, on s’indigne pendant deux semaines. Et on oublie jusqu’aux prochaines élections”. Pour lui, il est important d’inscrire son engagement “sur le long terme”. Le plus grand danger, pour Dorian Dreuil, c’est le cercle vicieux de la sous-représentation des 18-35 ans dans les programmes présidentiels. Le déficit de débouchés politiques à la suite des élections pour les jeunes renforce le désintérêt de ceux-ci et raffermit la défiance envers les institutions.