Oser Dire Non : une asso qui brise les tabous

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Circonflex Mag a rencontré Léna Tisserant. Etudiante à l’Académie de l’ESJ, elle s’investie dans l’association féministe Oser Dire Non, qui informe et prévient contre les violences sexuelles, physiques et psychiques. Léna nous parle des projets de l’asso, mais aussi des problèmes de harcèlement rencontrés dans la célèbre école lilloise.

 

Circonflex Mag : Comment se retrouve-t-on engagée dans une asso comme Oser Dire Non ?

Léna Tisserant : Les sujets féministes m’ont toujours intéressée. Depuis que j’ai intégré l’ESJ (l’École supérieure de journalisme de Lille)  il y a 2 ans, je suis témoin de problèmes de harcèlements (sexuels et psychologiques), de cas de viols. L’administration de l’école est au courant mais ne fait rien. Quand j’ai appris en janvier 2020 qu’une asso avait été créé au sein de l’ESJ, en partenariat avec l’université de Lille, j’y suis entrée pour libérer la parole sur ces sujets. A mon petit niveau, j’ai eu envie de changer les choses. »

 

Une femme sur deux n’est pas à l’aise au sein de l’ESJ

 

Peux-tu nous raconter le rôle de l’association en général ?

L’asso a un rôle de relais. A l’ESJ, ce qui manquait et ce qui manque encore, c’est une instance qui permettrait aux étudiants qui ont vécu des VSS (violences sexistes et sexuelles) de venir en parler en toute sécurité.

 

 

Ces problèmes touchent un grand nombre d’étudiants ?

Les chiffres sont parlants. A l’ESJ, 1 femme sur 2 ne se sent pas à l’aise au sein de l’école. 20,6% des étudiantes rapportent des sifflements ou des comportements grossiers. Et je garde le plus impressionnant pour la fin : 31% des femmes à l’ESJ rapportent avoir subi des VSS¹.

1 : Enquête interne faites par l’ESJ en mars 2020. Les chiffres ne seront jamais rendus publiques.

 

 

C’est considérable !

Oui, et c’est là qu’on intervient. En tant qu’association, on n’est pas formé pour aider les étudiants qui ont subi des traumatismes. Notre rôle, c’est donc de les réorienter vers des pros ou vers d’autres assos. On fait aussi de l’information, avec des conférences, des actions sur les réseaux sociaux. On a même sorti une série sur les violences gynécologiques … On s’occupe également de relayer d’autres violences psychologiques. Celles subies par les étudiants de l’ESJ, mais également par les étudiants d’autres universités.

 

 

Quels sont les projets qui prolongent votre action ?

Avec la pandémie, tout est beaucoup plus compliqué Au début de l’année, on avait plein de projets, notamment monter une pièce de théâtre qui traiterait du cyberharcèlement. Cette pièce devait être jouée dans des collèges, des lycées, des universités. Les restrictions sanitaires ne nous ont pas permis de le faire. En ce moment, on organise plutôt des conférences sur zoom. On était aussi en collaboration avec le planning familial pour former des groupes d’étudiants qui devaient aller parler de l’éducation sexuelle dans les lycées. Pareil, c’est tombé à l’eau. Mais on a plein d’idées pour les prochaines années. Par exemple, avec le BDE de l’académie ESJ, on aimerait créer une « safe zone » pour chaque soirée, avec des référents qui s’occuperaient des personnes pouvant potentiellement subir des VSS. On garde cette idée sous le coude pour l’après pandémie.»

 

Des groupes Messenger pour harceler des étudiants

 

Ce n’est pas la première fois que L’ESJ se retrouve mêlée  à des scandales. On pense à la Ligue du LOL², à des histoires de VSS …

J’étais à l’ESJ pendant l’histoire de la ligue du LOL. Quand elle a éclaté, l’ESJ a été sous le feu des projecteurs car plusieurs journalistes incriminés étaient des anciens étudiants de l’école. Du coup, il y a eu une prise de conscience, grâce à laquelle nombre d’entre nous ont osé parler de problèmes récurrents. Par exemple, dans ma promo, il y avait des groupes Messenger qui s’amusaient à harceler des étudiants.

2 : La ligue du LOL est une affaire datant de 2019. Cela concernait un groupe Facebook qui avait pour but d’insulter et d’harceler des journalistes (surtout des femmes et des homosexuels).

 

 

Quelle a été l’attitude de l’école ?

L’administration a tout fait pour étouffer l’affaire et malgré des enquêtes internes menées pour faits de harcèlement, cela n’a abouti à rien. Si je me souviens bien, il n’y a eu aucune sanction donnée, pour soi-disant « faute de preuves ». Leur spécialité, à l’ESJ, c’est de crier haut et fort qu’ils font des choses alors que tout ce qu’ils font, c’est étouffer les preuves. Pour faire le lien avec ce qu’il se passe à Sciences Po actuellement, on voit bien que toutes ces grandes écoles (ESJ inclus) ont des réputations et qu’elles sont prêtes à tout, allant même jusqu’à décrédibiliser leurs victimes, pour se protéger.

 

 

S’investir dans une asso comme Oser Dire Non,  cela pousse t-il à réfléchir et vivre autrement ?

Oui, carrément même. Je ne veux plus être journaliste. Cette asso m’a donné envie d’autre chose. Je veux me spécialiser sur les questions des droits des femmes. L’an prochain, j’aimerais bien faire des études de « genres » à la Sorbonne. Dans l’idéal, je voudrais travailler plus tard avec des ONG, et plus particulièrement dans la branche qui s’occupe des droits des femmes.

 

 

Retrouvez l’association sur Facebook et sur Instagram.


Léna Tisserant en 4 dates :
2020 : licence de droit à l’université de Lille
2021 : L3 en sciences politiques à l’université de Lille
2021 : 3ème année Académie ESJ
Depuis 2020 : s’occupe de l’administratif d’Oser Dire Non.

 

Eve MacGuardian