Étudiant le jour, livreur à vélo le soir, Mehdi arpente Lille sans cesse. Entre épuisement, liberté et résignation. Il raconte son quotidien marqué par les livraisons et les kilomètres parcourus dans cette grande ville.
« Quand je roule, je ne pense à rien. Juste à être vigilant, parce que les gens ne font pas attention à moi quand je roule. » Mehdi, 24 ans, se tient adossé à son vélo, un sac isotherme sur le dos, en attendant sa prochaine commande sur la place de la République. Ses mains sont rouges, ses yeux légèrement cernés, mais son sourire demeure intact. En troisième année d’étude à Lille, il distribue des repas quatre soirs par semaine pour couvrir ses frais de loyer et ses achats quotidiens. « Ce n’est pas vraiment par choix, hein. Mais à un moment, il faut bien manger », glisse-t-il en regardant les passants pressés.
« J’ai vite compris que les APL, ce ne serait pas suffisant »
Sa vie est réglée comme une horloge : cours la journée, BU en fin d’après-midi, puis vélo à partir de 19h. « Je finis souvent autour de 23h/minuit. Après, je prends une douche, je mange un truc et au dodo. » « Ce n’est pas passionnant mais c’est ça ou demander de l’aide ». Pourquoi avoir choisi ce job ? Mehdi esquisse un sourire, un peu gêné. « J’ai commencé par hasard, quand mes parents n’ont plus été en mesure de m’aider. Je viens d’un petit village à coté de Douai. Mais à Lille, tout coûte plus cher. J’ai vite compris que les APL, ce ne serait pas suffisant. »
« Parfois, on a l’impression d’être invisible »
Au départ, il aimait l’idée de travailler en extérieur, et sans supérieur. « Mais à un moment, la liberté, elle a un prix ». Il connait Lille comme personne. « Je sais les rues glissantes quand il pleut, les feux rouges trop longs, les rues où c’est le bazar. » Il rit doucement « Je pourrais faire un bon GPS, ou un guide. » Mais derrière l’humour, la fatigue perce. Il se souvient d’une soirée en février dernier. « Ma chaine avait cassé rue Nationale. J’ai dû pousser le vélo sur deux kilomètres parce que je voulais absolument livrer. La cliente m’a dit ‘’merci’’ et elle a refermé sa porte. Ce n’est pas méchant, mais parfois, on a l’impression d’être invisible. » Y a-t-il aussi des bons moments ? « Oui ça arrive. Une fois, un petit garçon m’a applaudi parce que j’avais
« Tu pédales vers ton diplôme »
Et pour le futur ? Mehdi n’a pas de plan prédéfini. « J’aimerais bosser dans le droit. Mais pour le moment, il faut tenir. Une fois, un pote m’a dit : ‘’Tu pédales vers ton diplôme’’ et depuis, ça me motive. » Une vibration sur son portable coupe la discussion. Nouvelle commande. Il sourit et grimpe sur son vélo. « Bon, faut que j’y aille. » Il s’éloigne en pédalant dans la ville qui s’endormira bien avant lui.
Margot Varin


