En France, les problématiques énergétiques sont au cœur de notre quotidien. L’Hexagone est victime d’une crise qui augmente considérablement le risque de tension sur le réseau électrique cet hiver. Pour faire face, plusieurs universités se sont prononcées sur les mesures qu’elles allaient mettre en place, contrairement à l’Université Catholique de Lille qui est restée plus discrète. Alors, Circonflex Mag a pu rencontrer Benoît Bourel, le directeur responsable sociétale environnementale de l’Université catholique de Lille, afin d’échanger sur les mesures mises en place depuis déjà quelques années, et ses évolutions à venir.
Comptez-vous mettre les étudiants en situation de distanciel comme on l’a vécu avec le covid, ou rajouter des jours de vacances aux étudiants pour minimiser les coûts et réduire la consommation d’énergie comme l’université de Strasbourg a décidé de le faire ?
Non. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’Université Catholique de Lille travaille depuis longtemps sur ces questions énergétiques. C’est en 2013 que nous nous sommes engagés dans un grand programme de transformation dans le cadre d’une dynamique régionale qu’on appelle la 3ème révolution industrielle. Une chose importante à savoir, c’est que la transition énergétique ne passera plus uniquement par des réductions de température ou des fermetures de bâtiments mais d’abord par la rénovation de ceux-ci pour commencer. Nos bâtiments sont très bien isolés, souvent entretenus, et à chaque rénovation ils sont quasiment tous recouverts de panneaux solaires. Prenez le bâtiment Robert Schumann par exemple. Il y a plus de 1000 m2 de panneaux photovoltaïques installés dessus.
On sait que dans le Nord, et notamment à Lille, les besoins de chauffage sont essentiels vu les températures. Mais le plan de sobriété énergétique demande de mettre le chauffage à 19 degrés dans les salles et amphithéâtres. Est-ce le cas à l’Université catholique de Lille ?
Tout d’abord, nous avons installé des systèmes de chauffage intelligents. Programmation de la température, installation de régulateurs pièce par pièce avec du chauffage qui se déclenche en fonction de la programmation des cours, nous ne chauffons pas tout le bâtiment en permanence. Ces boîtiers sont connectés aux plannings des étudiants. Ils se mettent en marche environ 20 minutes avant l’arrivée des élèves. Et c’est leur chaleur corporelle qui prendra le relais puisque les bâtiments sont bien isolés.
Aujourd’hui, on ne réduit pas les coûts énergétiques, on essaie de les maîtriser. Et cela passe par ces grands travaux et par la production de notre propre énergie. De plus, pour ce qui est de l’ordre du confort, l’hiver dernier les bâtiments étaient chauffés à environ 21 degrés. Cette année, ils seront seulement à 19 degrés comme le veut le plan de sobriété. Mais il sera toujours possible de pousser un peu certaines pièces si besoin.
Concernant l’éclairage, allez-vous faire quelque chose de spécifique afin de diminuer sa consommation ?
Là aussi, depuis un moment, à chaque fois qu’on effectue des travaux, on y installe des led pour remplacer les ampoules. Les led, c’est environ -70% de consommation. Par exemple, dans le Rizomm, nous éclairons seulement quand c’est nécessaire avec une intensité adaptable. C’est un bâtiment démonstrateur, on y a développé des technologies pour les expérimenter dans des conditions réelles. L’éclairage se déclenche lors d’une présence dans la salle, et l’intensité est réglée grâce à un capteur de luminosité en fonction de l’extérieur. Et là aussi, un interrupteur permet de moduler le tout à la main.
Y a-t-il un autre sujet sur lequel vous travaillez ?
Il y a un thème dont on n’a pas toujours conscience, ce sont les déplacements. Dans une université, cela représente à peu près 60% des gaz à effet de serre entre le domicile du salarié ou de l’étudiant jusqu’à l’université. Il y a une part de mode de vie, de choix personnel et de pratique individuelle à adopter. En 2006, nous avons été la première université en France à mettre un plan de déplacement en place, qui répondait à une étude que nous avions menée. Enfin, on travaille avec Ilévia, la MEL, et d’autres acteurs pour identifier des solutions comme la création d’espaces vélo supplémentaires, et créer ainsi plus de pistes cyclables. Parce qu’il faut savoir que le V’Lille, c’est entre 15 à 20 trajets par jour.
Avez-vous décidé de faire de la communication autour de ces concepts ?
Oui, on a lancé une campagne de communication. Elle va se traduire par des affichages dans les salles de cours et bureaux des facultés. On va afficher des notices, des modes d’emplois dans les salles de cours car tous les concepts évoqués précédemment, c’est important de savoir les expliquer aux utilisateurs. Par exemple, il y a plusieurs bâtiments où lorsque la fenêtre s’ouvre, le chauffage s’arrête grâce au détecteur d’ouverture dans les fenêtres pour éviter de chauffer dehors. Mais, si on ne l’explique pas, cela ne peut pas se deviner.
Avez-vous des gestes ou des conseils à donner aux étudiants afin de faire face à cette crise énergétique ?
Si j’ai un conseil à dire aux étudiants c’est engagez-vous, soyez vous-même source de proposition. Vous êtes dans un moment où les institutions et les services sont ouverts à de l’engagement, et cela fait partie de votre formation. Par exemple, jusqu’au 6 décembre à Lille à lieu la convention universitaire pour le climat. Tous les jeudis hors vacances, 150 personnes dont 104 étudiants se retrouvent pour réfléchir ensemble à des solutions, des propositions, des actions concrètes pour engager encore plus l’université dans sa démarche environnementale. C’est une manière de contribuer et de s’engager.