Aurora et sa famille fêtant l’anniversaire d’Amelie dans un restaurant japonais.

« J’ai choisi la France »

Le nombre de migrants a augmenté ces cinquante dernières années en France. Mais comment arrivent-ils à s’intégrer ? Aurora Nezeri, mère au foyer d’origine albanaise, vit dans le nord de la France depuis 9 ans. Elle nous raconte la difficulté d’être demandeur d’asile.

L’itinéraire a été tortueux. De l’Albanie à l’Italie. Puis de l’Italie vers le sud de la France avant de prendre la direction du nord. En février 2014, Aurora, son mari Emijan et Ambra, leur petite fille de 4 ans posent enfin leurs modestes bagages à Maubeuge. Ils ne parlent pas un mot de français, ni même d’anglais : « c’était compliqué pour s’orienter. On ne savait pas où on allait…mais on y allait ! La seule chose qui importait, c’est que nous étions en France. J’ai quitté mon pays parce que j’avais de gros problèmes familiaux. La France, ça représentait un avenir meilleur pour nous et notre fille ».
Très vite, la petite Ambra est acceptée à l’école. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Aurora et sa famille obtiennent au bout de deux jours « l’accueil promotion en foyer ». Ils sont installés dans un logement social, qu’ils partagent avec trois autres familles, elles aussi demandeurs d’asile. Ils y restent un an. « La vie en foyer, ce n’était pas difficile. La seule chose désagréable qui nous soit arrivée, c’est un cambriolage. Heureusement, personne n’a été blessé ».
En 2015, la famille s’agrandit avec l’arrivée d’Anissa. Ils changent de logement et s’installent dans un mobile-home. Ils vont y vivre pendant sept ans.

« J’ai souvent pleuré »

Aurora jette un œil vers le salon. Ses enfants et son mari regardent un Disney sur l’écran de la télé. « Le jugement que les gens portent sur moi quand je fais mes courses et que je ne parle pas très bien français, c’est insupportable. Certains font semblant de ne pas comprendre ce que je dis, uniquement par racisme. J’ai souvent pleuré en rentrant des courses. C’est très difficile », explique-t-elle, les larmes aux yeux. Elle redresse la tête :« j’ai failli baisser les bras plusieurs fois mais je ne le pouvais pas. Pour mes filles, je ne l’ai pas fait », ajoute-t-elle avec une certaine fierté. Une fierté de battante. Elle reprend : « Il y a les deux côtés de la médaille. On a aussi rencontré des gens bien, qui nous ont aidés. Par exemple, des amis avaient pris nos passeports chez eux. Si la police avait débarqué, elle n’aurait pas pu nous les confisquer. »
Contrairement aux filles qui vont à l’école et qui maitrisent parfaitement le français, le couple a dû se débrouiller seul pour apprendre la langue, outil indispensable pour s’insérer dans la société. « Google traduction nous a beaucoup aidé pour communiquer les premières années. Ensuite, j’ai pris des cours dans une association et les autres migrants que nous croisions au foyer nous ont aidés. Ils étaient en France depuis plus longtemps que nous et nous ont fait profiter de leur expérience. »

« Sans statut légal »

« Le pire dans tout ça, je crois, c’est les papiers. Depuis 2014, on m’a refusé plusieurs demandes d’asile ». Aurora insiste sur le rôle de l’assistant social et des référents qui font tout pour les aider à obtenir ces fameux papiers. Mais rien n’avance. « Pendant cinq ans, nous avons été en situation irrégulière. On attendait, et c’est tout », se souvient-elle, plongée dans ses pensées. Sans statut légal, pas le droit de travailler. « On avait 70 euros par mois pour vivre. On allait très souvent manger aux restos du cœur pour s’en sortir. Et mon mari travaillait au black, à gauche à droite. Impossible de faire autrement, c’était la seule solution. ».

En 2019, enfin, ils obtiennent un récépissé, un document qui prouve l’enregistrement de la demande de titre de séjour par la préfecture, et qui leur donne le droit de travailler, à condition de le renouveler tous les trois mois. « Emijan a donc trouvé un travail dans une entreprise de bâtiment en tant qu’ouvrier. »
A l’heure actuelle, ils n’ont toujours pas de carte de séjour. Et continuent de se battre pour l’obtenir.
Malgré toutes ces difficultés, ils ont construit leur vie ici. Ils louent un appartement à Hautmont, dans le nord de la France. Aurora apporte quelques biscuits, en propose à ses enfants puis revient s’installer à table et m’accorde un petit sourire. « Mon mari à un CDD, mes deux dernières filles sont nées en France, nos amis sont ici. Je suis fière de ce qu’on a accompli. On n’a pas baissé les bras ».

21 février 2014 : arrivée en France 
2014 : installation dans un appartement social avec trois autres 
       familles 
2015 : installation dans un mobile home. 
2015 : naissance de sa deuxième fille, Anissa 
2016 : naissance de sa troisième fille Amélie 
2014 : 2015, 2016 : demande de récépissé refusé
2020 : récépissé accordé + un droit de travailler