L’anosmie, le combat d’une vie !

C’est la journée mondiale de l’anosmie ! Un handicap supprimant l’odorat et 80 % du gout. La COVID-19 a remis ce sens oublié de la science sur le devant de la scène. Circonflex Mag a rencontré Jean-Michel Maillard, fondateur et président d’Anosmie.org, la seule association qui s’occupe de l’anosmie en France.


Quels-sont les objectifs et les projets de l’association Anosmie.org ?

Les objectifs principaux sont au nombre de trois. Le premier, c’est tout simplement d’expliquer aux gens à quoi sert l’odorat, pour qu’ils comprennent l’étendu des dégâts quand on le perd. Le deuxième est de faire comprendre que l’odorat est un sens précieux et fragile ! Ce n’est pas un sens inné, c’est un sens qui s’apprend et qui se travaille. Le dernier objectif, c’est de soutenir les anosmiques.  En ce qui concerne les projets, nous en développons un certain nombre… Nous avons créé une application  Covidanosmie, qui aide les anosmies dûes au COVID. Mais notre plus beau projet, c’est de créer un test de l’odorat pour les petits à l’école, au même titre qu’il existe un test pour la vue et un test auditif.

 

Qu’avez-vous prévu pour cette journée mondiale de l’anosmie?

Nous sommes en lien avec notre député, qui va nous servir d’intermédiaire pour s’adresser au ministre de la santé. Nous souhaitons échanger avec lui sur le sujet de l’anosmie, lui apporter des solutions mais aussi lui poser des questions sur ce que nous pourrions établir ensemble. Nous allons orchestrer plusieurs activités en parallèle, et que nous communiquerons dans la journée sur notre site.

 

 

Il n’existe pas de solution miracle

 

 

Quels-sont les conseils ou les solutions que vous donneriez à une personne qui se découvre anosmique ou à son entourage ?

Il n’existe pas de solution miracle à l’heure où l’on parle. Avec l’aide de chercheurs et de scientifiques, nous avons mis au point un protocole de rééducation olfactive. Cette méthode est très longue, elle dure seize semaines. Croyez-moi, sentir des flacons sans odeur pendant une durée aussi longue, c’est un vrai marathon ! Ce que je peux conseiller, c’est de consulter un ORL parce qu’il pourra vous préciser la nature de votre perte d’odorat. Et très important, en parler avec des personnes de confiance et à l’écoute…

 

 Une personne attente d’anosmie peut-elle continuer à vivre comme avant ?

Le plus possible ! Par exemple, il faut continuer à cuisiner et à aller au restaurant malgré la perte de goût, parce que partager un repas, ce n’est pas seulement manger mais surtout passer de bons moments avec ses proches. Il ne faut pas arrêter non plus de mettre du déodorant ou du parfum parce que vous n’y trouvez plus d’intérêt. Vous savez, la vie continue ! Elle est plus compliquée mais elle est tout aussi joyeuse.

 

 

Tout ce que je goute, ça n’a pas de goût …

 

 

Comment vous est venue l’idée de créer cette association ?

Mais parce que je n’ai trouvé personne pour m’aider il y a 4 ans, lorsque j’ai perdu l’odorat à la suite d’un accident ! Je me suis subitement retrouvé devant un désert médical, scientifique et sociétal. Il faut savoir qu’à l’hôpital, on m’a fait tous les tests pour l’ouïe, la vue mais aucun pour le goût ni l’odorat. Ce n’est que 15 jours plus tard que je me suis dis : c’est étrange, tout ce que je goute, ça n’a pas de goût. J’ai l’impression de ne rien sentir. Je suis donc allé dans mon sous-sol, j’ai brulé un morceau de caoutchouc, et c’est à ce moment que j’ai compris que j’avais un problème.

 

Et la création d’Anosmie.org a été votre façon de répondre à cette prise de conscience…

Face à cette solitude, ce trou sans fond, j’ai voulu aider ceux qui étaient dans la même situation que moi.  C’est quand on perd une faculté qu’on se rend compte de ce qu’elle permet. Par exemple, l’odorat est aussi un fort déclencheur de souvenir, le parfum d’un père, la colle blanche de l’école primaire, l’odeur du linge lavé qui vous rappelle la maison de votre grand-mère.  Tant d’images qui nous parlent et qu’on ne penserait pas lier à l’odorat. Avec cette anosmie traumatique, je me suis rendu compte que mes proches avaient une odeur. Mes fils ont une odeur. Un baiser a une odeur. Moi, les souvenirs je les ai. Ils sont là. Mais je n’ai plus le déclencheur.

 

Avez-vous des témoignages qui vont ont marqué plus que d’autres ?

La plupart des témoignages sont poignants, certains sont disponibles sur notre site. Mais oui, certains m’ont marqué. « Quand je rentrais à la maison avec ma petite sœur, on ouvrait la porte de la maison et ma petite sœur disait « ah, on mange du riz » et on mangeait vraiment du riz ! Pour moi elle avait des supers pouvoirs ! ». Notre ambassadeur des hauts de France, Benjamin Delecour, a découvert son anosmie chronique (dès la naissance) dans ces circonstances, à l’âge de 10 ans. De nombreux anosmiques chroniques ne comprennent pas pourquoi on leur demande de prendre régulièrement des douches. Les déodorants et les parfums, à quoi servent –ils ? Souvent, les parents sont désemparés, ils se demandent ce qu’ils peuvent faire parce qu’on ne connait rien à ce handicap en France. En France, pays de la gastronomie, du vin, du parfum ! Mais on pense que l’odorat ne sert à rien…

 

Jusqu’où s’étend le réseau de l’association ?

Nous avons des ambassadeurs dans toute la France, au Canada, en Belgique et en Suisse. Ils sont à mes côtés pour vous soutenir, répondre à vos interrogations. Ils racontent leur histoire et essaient de faire avancer les projets pour que la cause de l’anosmie avance et prenne la lumière, … même sans le COVID. Anosmie.org, c’est trois ans d’aventures, trois ans de recherches, cette cause a du sens et les Français ne le comprennent que depuis mars 2020, avec les conséquences et les séquelles de la Covid.

 

On vous laisse le mot de la fin…

Vous savez, le plus beau des compliments pour moi… c’est qu’on me dise que je sens bon !

 

 

Contacts :

Site de l’association

Jean-Michel Maillard (Président de l’association) : maillard.j2m@gmail.com

Benjamin Delecour (Ambassadeur des Hauts de France) : benjamin.delecour@anosmie.org

 

Arthur Papeil