Dans ce contexte tragique en Ukraine, Circonflex a rencontré des étudiantes ukrainiennes en échange universitaire à Lille. Nous avons donné rendez-vous à Sasha, Katherina et Hannah, sur la place République lors de la deuxième manifestation en soutien à l’Ukraine. Nous les avons interrogés sur leurs visions du futur en France et leurs ressentis.
Comment vont vos familles en Ukraine ? Sont-elles en sécurité ?
Katherina : J’ai essayé d’aider ma mère, mais c’est impossible. En Ukraine, ils essayent d’évacuer les femmes et les enfants à sortir des zones de danger grâce à notre système ferroviaire. Mais elle ne veut pas partir. Pour elle, ça serait abandonner son pays en pleine guerre. Elle dit qu’elle partira lorsque tout sera déjà perdu, mais pas avant. Elle reste avec ses amis et sa famille à Lviv.
Hannah : J’ai deux petites sœurs et elles vivent avec mes deux parents. Ils ne sont pas partis de chez nous, car la ville d’où je viens n’a pas été attaquée pour le moment. C’est plus ou moins sûr pour l’instant. Mais il manque des travailleurs et travailleuses pour maintenir les établissements qui sont sur les zones de guerre. Ma mère s’occupe d’un centre pour enfants avec des difficultés de développement. Et mes sœurs ne veulent pas laisser ma mère. Ma famille pour le moment va bien et essaie d’être en sécurité. »
Vous utilisez beaucoup les réseaux sociaux pour vous informer ?
En chœur : OUI BIEN SÛR ! On n’a plus de vie personnelle.
Sasha : Chaque seconde de notre quotidien maintenant, nous suivons les informations sur les “channel news” sur Telegram, en espérant que ce ne soit pas notre maison, nos amis, notre famille qui se soient fait bombarder.
Hannah : Les 10 derniers jours, on a passé notre temps à vérifier les informations. On ne regarde plus de film, plus rien. C’est très dur de tenir. On utilise des informations de sites d’informations tels que Suspilne (entreprise de télédiffusion nationale ukrainienne, ndlr.) ou des officiels du gouvernement ukrainien. C’est important de ne pas prendre nos informations de la propagande russe. Ne pas croire les “fake news”.
Katherina : On essaye de ne pas céder à la panique malgré les tragédies. J’ai des amis qui vivent sous bombardement 24/24 h !
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Katherina : J’ai fait un bachelor dans l’agroalimentaire en Ukraine. Et comme j’étais une bonne étudiante, on m’a proposé une bourse pour faire un Erasmus. Donc j’ai accepté pour un an en 2021 et j’ai décidé finalement de finir mon master et de rester en France, parce que c’est un bon pays pour les scientifiques de l’agro-alimentaire, “French people loves food” (les Français aiment la nourriture, ndlr.).
Sasha : Je n’ai pas encore eu mon diplôme en Ukraine. C’est ma première année ici, je suis arrivée en septembre. Un peu comme Katherina, un de mes professeurs m’a demandé si je voulais participer à un programme d’échange en France et j’ai accepté. J’ai réalisé après 3 mois ici que ces études n’étaient pas pour moi. Pour moi, rester 12 heures à l’université, c’est dur.
Vous trouvez que l’université et le gouvernement français vous aident ?
Katherina : On a eu un rendez-vous avec la direction de Junia (grande école d’ingénieur à Lille) on a demandé explicitement des aides de logement le temps des événements. Mais ils n’ont pas réagi et ils nous ont donné du gâteau et des aides psychologiques, mais pas de réelles solutions.
Si la situation s’arrange en Ukraine, comptez-vous rentrer, ou alors rester en France jusqu’à la fin de votre Erasmus ?
Katherina : Tous nos amis, notre famille et les gens qu’on aime sont en Ukraine. On doit finir nos études en juin, mais on ne sait pas si nos universités existeront encore. Je ne peux pas partir avant la fin de mon programme. Mais si ça s’arrange, la première chose que je ferai, c’est de demander une semaine de repos pour pouvoir aller en Ukraine voir ma famille et mes amis. Je pense que nos professeurs comprendront.
Hannah : Je vais aussi rester ici jusqu’à la fin de mon Erasmus. Et après on verra.
Sasha : J’aimerais retourner en Ukraine après avoir fini mon programme, mais aujourd’hui ce n’est même pas sûr que je puisse rentrer à Kiev, ni même de voir mes parents.Je ne sais pas si je pourrai avoir mon bachelor. Mais rester ici est un autre enjeu. Les études en France sont très sélectives, et il n’y a pas d’aide financière pour les étrangers. Une année coûte 10.000 euros environ. Et aucun de nos parents ne peut nous aider.