Le milieu de la marionnette est un monde à part. Dans une société où les sources de divertissement pour les enfants sont infinies, ce théâtre traditionnel contraste dans le paysage culturel moderne. A 55 ans, Frantz Marin est un des porte-étendards des spectacles de marionnettes français. Circonflex Mag a souhaité mettre en lumière le parcours d’un homme habitué à l’ombre des castelets.
Une passion peu commune
Est-ce son humble sourire ? Ses yeux rieurs qui traduisent certainement une âme d’enfant intacte ? Il se dégage de Franz Marin une bonhommie agréable. Tasse de café en main, on se surprend à ne pas voir défiler les minutes, captivé par les histoires d’un homme à la passion peu commune. « Je baigne dans le milieu de la marionnette depuis tout petit. A la base, c’est la passion de mon père, je l’ai suivi jusqu’à mes 13 ans à travers le Nord-Pas-de-Calais lors de ses représentations. » Ce sont ces déplacements dans toute la région qui susciteront l’intérêt de Frantz pour faire de la marionnette son métier.
A 17 ans, il a la possibilité de créer son premier spectacle et de mettre en scène sa première représentation : « c’était un job d’été avec un ami, se rappelle-t-il, on nous avait prévenus juste une semaine à l’avance, on n’était absolument pas prêt ». Et pourtant. Malgré le manque certain de préparation et la grande timidité dont faisait preuve Frantz à l’époque, lui qui n’avait jamais pris la parole en public, le spectacle fait un carton : 500 personnes par séance, et 5 représentations en une seule journée, soit 2500 personnes pour une première ! « Le parc était plein à craquer, et on a joué pendant 3 semaines ! », se souvient Frantz, une pointe de nostalgie dans la voix. Pourtant, malgré le succès soudain de son travail, il a fallu du temps à notre marionnettiste pour devenir professionnel.
Sur les traces de son père
« J’ai travaillé presque 10 ans dans la publicité. Par conséquent, 10 ans à monter des spectacles uniquement les week-ends en amateur ». Jouer pour un public est un « vrai plaisir ». En revanche, Frantz ne s’épanouit pas dans le milieu de la publicité, « un monde de requins et de vautours. « Je m’ennuyais à mourir, j’aurais pu faire une carrière, mais je ne me voyais pas passer ma vie à attendre que ça se passe ». C’est de cette lassitude qu’est née la plus belle de ses idées : sur les traces de son père, Frantz devient marionnettiste professionnel ! Très vite, il fonde le théâtre du Rebond, toujours en activité aujourd’hui. Pourquoi ce nom ? Frantz l’explique de manière très poétique : « je l’ai rêvé une nuit et ça tombait sous le sens. Rebond dans ma vie professionnelle, rebond de mon père envers moi… je ne pouvais pas l’appeler autrement ! ».
Unique en France
Aujourd’hui, notre homme a monté bon nombre de spectacles avec des manières de faire et des thèmes toujours plus innovants. Des représentations sur des bateaux en pleine tempête ; des spectacles sans paroles ou en collaboration avec un ventriloque ; un travail sur le Japon médiéval. Frantz Marin n’a jamais été à court d’idées. Et même si parfois, il a pu penser qu’une certaine routine s’installait, aujourd’hui, quand il se retourne sur ses années de pratique, il sait qu’il n’en est rien : « je me suis sans cesse renouvelé. J’ai travaillé longtemps tout seul, il y a des moments où ça a pu jouer sur ma motivation. Mais aujourd’hui, je suis accompagné. J’ai des collègues formidables, et ma compagne travaille aussi avec moi ! ». Et puis Frantz a repris l’association du théâtre du P’tit Jacques, fondé par son père, situé au jardin Vauban à Lille. Pour lui, c’est quelque chose à préserver : « Le P’tit Jacques, c’est unique en France ! C’est un des tout derniers représentants du théâtre de square. Il faut préserver ça ici à Lille, c’est un des derniers bastions ! ». Frantz incarne l’esprit de la marionnette dans le Nord.
Un art à part entière
Et justement, parlons de cette tradition. Au-delà d’être un simple représentant des marionnettistes, l’homme est un fervent défenseur de son art. « La marionnette, c’est encore quelque chose de très traditionnel. Face à la concurrence du monde du divertissement, on a pu observer un petit déclin dans la fréquentation des spectacles. Mais justement, c’est formidable de raccrocher un enfant. On joue pour ça. Pour ce contact. Le vrai plaisir, il est là : accueillir enfants et familles, et provoquer ces rires, voir les petits communiquer avec les marionnettes, les parents qui aident leurs gamins … Tous ressortent avec la banane. On est les premiers contacts culturels des enfants en général ». Il déplore le manque de budget et de reconnaissance du milieu : « Quand on touche au monde de l’enfance, les budgets se réduisent systématiquement. ». Et c’est pour cela que Frantz se bat. Pour décrocher des contrats. En quête perpétuelle de propositions, il cherche à satisfaire un public déjà conquis. Mais aussi à faire connaître ce type de spectacle, la tradition de fabrication des marionnettes, la tradition du contact avec le public, la tradition de faire rire et de surprendre, la tradition de faire passer des messages. « Si on disparait, c’est une partie du théâtre vivant qui disparait avec nous ».
Entre passion et labeur, subtil mélange de respect des traditions et volonté de s’adapter, le travail acharné de Frantz Marin mérite le succès qu’il rencontre. Circonflex Mag souhaite longue vie à ce monde à part, et laisse à Frantz le mot de la fin : « La marionnette est un art à part entière et qu’il ne faut pas oublier. »