Depuis la crise du COVID, le manque de personnel au sein des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, plus communément appelés EHPAD, se fait de plus en plus ressentir. Un problème national qui touche également le Nord.
« Un métier rempli de sens ». C’est ainsi qu’Yves Peyron, directeur de l’EHPAD privé à but non lucratif Maison Saint-Jean à Laventie définit l’aide-soignant. Principale profession manquante au sein des établissements, elle paie un déficit d’attractivité depuis quelques années, principalement à cause d’un salaire trop faible, proche du SMIC. Mais ce métier manque aussi de vocations. Le taux de diplômés diminue, et les établissements de la région doivent faire certaines concessions. « Je suis obligé d’accepter des profils que je n’aurais pas acceptés il y a deux ans » souffle Yves Peyron. Des nouveaux salariés qui manquent de compétences, principalement au niveau du soin, alors que cette profession demande de plus en plus d’exigences. Aujourd’hui, le ratio d’agents de personnel par résident est donc plus qu’insuffisant : il varie entre 0,5 et 0,6 alors qu’il devrait être à 1. L’EHPAD Maison Saint-Jean n’en compte que 85 au lieu de 110. Un problème qui ne devrait pas s’améliorer, au grand dam des équipes.
« Il ne faut pas oublier que c’est le secteur qui a le plus d’accidents du travail en France » ajoute Yves Peyron. Et ce n’est pas le seul casse-tête. Notre région manque aussi de médecins coordinateurs qui encadrent ces soignants et le suivi médical des résidents. D’autant que si le nombre de soignants a diminué, la charge de travail, elle, reste constante. Il a donc fallu réorganiser des services…
Celia Lagano, aide-soignante au sein de l’EHPAD La Roseraie à Avesnes-sur-Helpe, déplore aussi ce manque de bras au quotidien.
« Je ne suis pas optimiste vis-à-vis de l’issue que prendra la crise. Il y a de plus en plus de résidents dépendants qui nécessitent beaucoup de soins et d’attention. »
Cette crise amoindrit la qualité de vie au sein des établissements. Il n’y a plus ou presque de relations entre le personnel et les résidents, « en dehors des soins traditionnels, on leur accorde beaucoup moins de temps » ajoute Célia Lagano. Le personnel est également obligé de porter un masque chirurgical, ce qui continue de déstabiliser une génération qui n’a pas l’habitude de parler à un visage en partie caché. Et les EHPAD sont en plus touchés par une image publique dégradée suite à différentes affaires survenues ces dernières années. Depuis 2021, le Ségur a rendu possible une revalorisation salariale dans ce secteur. Une prime de 183€ nets mensuel qui a « juste calmé la crise, selon Yves Peyron, mais qui ne l’a certainement pas stoppée ».
Les EHPAD face à une nouvelle crise
Depuis quelques mois, l’inflation et la hausse du coût de l’énergie et de l’alimentation font encore plus de ravages.
« On est dans une situation où les ressources n’arrivent pas à couvrir les charges » soupire Yves Peyron.
« Nous sommes passés de 6,7% à 10% de la part de l’énergie dans les coûts de fonctionnement ». Un problème difficile à résoudre pour les directeurs d’EHPAD qui manquent de moyens. « Mes financeurs me donnent 1,5% pour compenser l’inflation ». Les établissements publics peuvent eux compter sur des aides supplémentaires de l’Etat et des conseils départementaux. Mais ce n’est pas suffisant pour régler tous les problèmes. Et si les EHPAD connaissent une situation sans précédent, qui a du mal à s’améliorer, le nombre de demandes d’entrées reste très élevé, et les files d’attente sont toujours très remplies.