En ce mois d’octobre rose, c’est au sein du service de gynécologie, à l’hôpital Léon Blum de Beauvais, que Laurence exerce son métier d’infirmière. Elle fait partie de ces femmes au service des autres, et plus particulièrement des patientes atteintes d’un cancer du sein, de l’endomètre ou de l’ovaire.
« Rien ne me destinait à devenir infirmière. J’ai commencé des études de métreur qui ne me plaisaient pas. Un peu par hasard, je me suis retrouvée agent hospitalier à l’hôpital de Beauvais. Au bout de 2 ans, j’ai décidé de passer le concours d’aide-soignante ».
Laurence exercera ce métier pendant 15 ans. À 34 ans, à force de détermination, elle décroche son diplôme d’infirmière.
Un vrai parcours du combattant
Elle exerce d’abord dans le service de chirurgie ORL faciale, mais attirée par la gynécologie, décide, à 45 ans, de suivre une formation professionnelle de 2 ans au centre Oscar Lambert à Lille, pour obtenir le diplôme de psycho-oncologie (qui n’existe plus aujourd’hui). « Je me suis toujours sentie concernée par la cancérologie. Il faut dire que ma grand-mère est décédée d’un cancer du pancréas. Elle était maintenue à domicile, je l’ai vue se dégrader de jour en jour. Un mois plus tard, mon grand-père est mort d’un cancer du côlon. Il est mort seul, à l’hôpital ».
Ironie du sort : Laurence, à son tour, doit affronter la maladie. On lui découvre un cancer du sein. Elle parle de cette période comme « d’un vrai parcours du combattant », entre rendez-vous avec les médecins, et forte solitude. «Ayant vécue toutes ces épreuves autour du cancer, j’ai souhaité apporter quelque chose de plus aux patientes ».
Diplôme universitaire en main, elle commence une nouvelle carrière dans le service qui s’occupe des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire, du sein, ou de l’endomètre. Ce diplôme lui permet d’intervenir dans le dispositif d’annonce, de faire des consultations paramédicales. Laurence participe aux réunions de concertations pluridisciplinaires, en étroite collaboration avec les médecins, les pharmaciens, les cancérologues, les radiothérapeutes, les gynécologues, les kinés… Ces réunions, qui servent à valider la ligne thérapeutique choisie pour chaque patiente, ont lieu toutes les semaines, le jeudi de 16h à 18h. Elles font partie intégrante du plan cancer déployé par l’État.
“J’ai une relation très étroite avec les femmes malades”
À la suite de ces concertations, Laurence organise tous les rendez-vous, et suit les patientes du début jusqu’à la fin de leur combat. « J’ai une relation très étroite avec les femmes malades, j’essaye de les décharger de toutes les démarches administratives, pour qu’elles se concentrent sur leur pathologie, et qu’elles se laissent cocooner durant ce temps où elles sont malades.»
Ce qui plait le plus à Laurence, dans son métier, c’est le contact humain. Proposer de l’aide. Donner de l’espoir. « Lorsqu’elles sont dans mon bureau, entre nous, il y a des grands éclats de rire, une cafetière, une boîte de chocolat, une boîte de mouchoirs et parfois de grands moments de silence ». Elle pense que le silence est nécessaire parfois pour ces femmes, qu’il leur permet de cheminer psychologiquement. Elle répète à ces dames : « Il ne faut pas subir la pathologie, il faut en être actrice, c’est votre corps, votre santé, votre histoire ». « J’adore ce que je fais, notre métier travaille sur l’humain » s’exclame-t-elle.
“J’ai vécu ce qu’elles sont en train de vivre”
De l’humain, il y a tellement dans son quotidien. Tant d’expériences à vivre, tant d’histoires à raconter. Laurence pourrait en parler pendant des heures.
« Je suis maman, avant tout. Quand les dames me demandent comment annoncer la maladie à leurs enfants, et se mettent à pleurer, je me projette. J’ai vécu ce qu’elles sont en train de vivre. Cette histoire, il ne faut pas la cacher. Il faut dire la vérité aux enfants, mais en adaptant son langage. Je montre aux mamans des livres de comptines, de petites histoires, qu’elles peuvent utiliser pour discuter en famille. »
Très émue, elle raconte une situation qui l’a particulièrement touchée. « Cette dame s’était battue avec son mari qui était atteint d’un cancer de la prostate, et qu’ils ont vaincu ensemble. Quelques semaines plus tard, les médecins lui découvrent une leucémie. Il décède au bout de 2 mois. 8 mois après, on annonce à cette femme, veuve depuis peu, qu’elle a un cancer du sein. Elle n’avait pas encore fait son deuil. Revenir à l’hôpital lui a fait revivre des moments difficiles. Elle était avec moi en consultation, je la regardais, je l’écoutais raconter son histoire, et les larmes sont montées… Je lui ai dit : « je pleure, mais ce n’est pas juste, je n’ai pas le droit de pleurer devant vous. » Et cette patiente m’a pris la main … ».
Derrière les blouses roses, il y a un cœur. Énorme. Toujours là pour réconforter, écouter, adoucir le quotidien. Et Laurence pour conclure: « Tout ce qu’on donne, les patientes nous le rendent bien ».