Ils ont vingt ans et sont étudiants en licence. Ils réussissent à remplir des amphithéâtres entiers d’étudiants de leur âge pour venir écouter des personnalités politiques de haut rang. Rencontres et confidences.
Mardi 29 mars, l’amphithéâtre Treilhard de Chardin, le plus grand de l’Université Catholique de Lille, est plein à craquer. A l’entrée, quatre associations filtrent les étudiants. Les 650 sièges sont rapidement occupés et ceux qui n’ont pas réservé leur place en avance s’inquiètent de ne pouvoir rentrer. Il faut dire que celui qu’ils viennent écouter n’est pas n’importe qui. C’est Raphael Glucksmann, député européen, et figure de la gauche française. Il a répondu à l’invitation de quatre associations étudiantes lilloises, Gorgias (ESPOL), Taishan (Sciences Po Lille), APPEL (Lille 2) et les Sciencesposards (licence Droit-Sciences Politique de la Catho). Quelques semaines plus tôt, ce même amphithéâtre accueillait autant d’étudiants pour deux autres conférences avec des invités de marque, les anciens premier ministre Alain Juppé et Bernard Cazeneuve, invités par l’association PolHiCult’.
Des grosses têtes d’affiche
Aux commandes de ces conférences, des jeunes de 20 ans, qui n’ont pas froid aux yeux. Comment des étudiants en années de licence peuvent-ils organiser des rencontres prestigieuses avec des invités au parcours aussi impressionnants ? Thomas Fleury et Casimir d’Argenteuil font partie de ces jeunes plein d’allant. Le premier est membre du pôle culture de l’association des Sciencesposards, qui œuvre en faveur d’une vie étudiante riche, autant sur le plan festif qu’intellectuel. Le second est le fondateur et président de PolHiCult’. Son asso souhaite réconcilier les jeunes avec l’histoire, la politique et la culture. Et tous les deux se rejoignent sur un point : le nerf de la guerre de ces conférences, c’est évidement l’invité. « Pour intéresser les gens, il faut des grosses têtes d’affiches », assure Casimir. Pour faire venir ces personnalités politiques de premier plan, deux méthodes : dans le meilleur des cas, les associations ont déjà le contact, par réseaux souvent, avec leur futur invité. Sinon, il faut l’établir, un travail long et fastidieux, effectué à coup de mails et de relances. Thomas nous explique que pour approcher Raphael Glucksmann, il s’est adressé à plusieurs reprises à ses assistants parlementaires et à sa maison d’édition avant de nouer le dialogue.
Une fois le contact établi, tout est mis en place pour favoriser la venue des invités : les transports et parfois l’hôtel sont pris en charge par les associations, souvent avec une aide financière de l’administration de la Catho, qui décide par commission du budget accordé à l’événement. A leur arrivée dans les locaux de l’Université, les personnalités sont souvent accueillies par le recteur ou par le doyen de la faculté de droit, monsieur Ioannis Panoussis.
Pour certains invités comme Bernard Cazeneuve ou Raphael Glusckamnn, c’est l’occasion rêvée de faire la promotion de leur dernier ouvrage. Thomas nous explique qu’il a signé un contrat avec le Furet du Nord pour qu’il y ait un stand de vente des livres du député européen à la sortie de la conférence. Grace à cet accueil et à cette promotion, les associations ne rémunèrent pas leurs intervenants, comme cela se fait souvent dans ce milieu. « On ne payera jamais un invité » nous dit clairement Casimir.
En amont, l’accueil de telles personnalités demande un travail très conséquent, notamment avec l’administration de la faculté : réservation de salle, service d’ordre, matériel technique… Pour cette partie administrative, les étudiants prennent contact à minima un mois à l’avance avec Rémy Eripret, en charge de la vie étudiante à la Faculté Libre de Droit. C’est lui qui fait le lien entre le doyen et les étudiants.
« L’invité ne doit pas transformer la réunion en meeting politique »
Si la direction de l’Université laisse plutôt les mains libres aux deux associations, elle ne leur impose qu’une seule contrainte : l’invité ne doit pas avoir de rapports trop directs avec des évènements politiques en cours – en ce moment l’élection présidentielle-. Il ne doit pas donner de consignes de vote ni transformer la réunion en meeting politique. Le choix des conférenciers se fait donc en interne. Thomas, représentant des Sciencesposards, nous explique qu’il a cherché un invité assez consensuel, qui réunira et intéressera du monde.
La question de l’invité réglée, restent d’autres défis à relever pour les jeunes organisateurs. Outre les imprévus de dernières minutes -les retards de train ! – les associations ont fort à faire. Thomas raconte que pour cette conférence avec les 4 associations, le plus dur a été de caler tout ce petit monde sur la même ligne. En effet, si les associations de la Catho réservent toujours un accueil bienveillant et plutôt favorable à leur invité, d’autres associations préfèrent jouer sur le registre de l’humour, de la provocation, voire de la confrontation pour pousser les invités dans leur retranchement.
Une saine émulation
Pour chaque conférence, le bilan est très positif. Les étudiants sortent ravis de ces deux heures partagées avec des personnalités politiques de haut niveau. Ils sont nombreux à partager leurs photos de l’événement sur les réseaux sociaux. « Ce que j’aime bien avec ces conférences, c’est que les politiques deviennent très accessibles : on peut leur poser nos questions, demander une photo à la sortie, une dédicace pour nos livres… », nous explique Léa, étudiante en deuxième année de gestion à la Catho.
Les invités eux aussi sont généralement très satisfaits de leur venue. Et Rémy Eripret tient à préciser que l’Université Catholique est très fière de ses étudiants, et de ce retour de la vie facultaire, mise à mal par la crise sanitaire.
Nombreuses sont les associations de la FLD qui organisent des conférences avec des personnalités de renom, comme l’association Cultura Juris, qui a réussi à faire venir le magistrat François Molins. Inévitablement, entre elles, une certaine concurrence s’instaure. Rémy Eripret confie qu’il laisse cette saine émulation se mettre en place toute seule. Et ça marche. Casimir en est conscient, ces réussites en appellent d’autres : « plus on fait de conférences, plus on gagne en importance. »
L’administration de la faculté l’assure, les prochaines initiatives, si elles sont toutes aussi bien préparées, seront les bienvenues. Avec ces belles conférences à venir, la vie étudiante de la FLD a de beaux jours devant elle. Assurément, la jeune génération est au rendez-vous, et elle a de l’ambition.