Le samedi 16 septembre, des images diffusées sur Snapchat et ensuite relayées sur X (Twitter) montrent les prémices d’un viol d’une jeune fille par deux adolescents. La vidéo ayant rapidement fait le buzz, deux autres vidéos ont ensuite été postées, sur lesquelles l’un des présumés agresseurs puis son père sont passés à tabac. A cette occasion, Circonflex Mag a rencontré Fabien Eloire, sociologue et maître de conférences à l’université de Lille pour l’interroger sur le rôle des réseaux sociaux.
Pensez-vous que les réseaux sociaux soient des accélérateurs d’informations ?
Sans aucun doute. La capacité d’accélération de la diffusion d’une information est une caractéristique des plateformes de médias, dès lors qu’elles ont beaucoup d’utilisateurs et que ces utilisateurs choisissent de promouvoir un contenu en le rediffusant.
Les réseaux sociaux ont-ils réinventé le journalisme ?
D’une certaine façon, les réseaux sociaux produisent de la désintermédiation, c’est-à-dire que les plateformes ne filtrent pas les contenus et ne font que de la diffusion. Il y a une absence de règles, ce qui fait que les journalistes peuvent paraitre un peu inutiles aux yeux du public. . Le public lui-même diffuse ses propres informations, donne son opinion… La vérité ou la fausseté ne sont pas des questions qui se posent. La manipulation est tout autant possible et probable que la sincérité.
Pourquoi les agresseurs ont-ils décidé de poster ce genre de contenus en ligne ?
Les réseaux sociaux diffusent des informations dans un flux continu. La majorité des vidéos passent inaperçues, le fait d’être l’auteur d’une vidéo remarquée peut donc devenir un objectif recherché. Ces adolescents cherchent à prouver aux autres une certaine forme de virilité. Cela pourrait être fait par d’autres actes comme le sport, mais le choix de la violence ne demande certainement pas d’autres “talents” que de savoir choisir une victime que l’on pourra dominer sans difficulté ni risque.
Les personnes sur les réseaux pensent-elles aux conséquences de leurs actes ?
La possibilité d’agir dans l’anonymat pousse les personnes à publier du contenu dans le but de faire le buzz. Je dirais qu’ils pensent parfaitement leur acte et qu’ils savent très bien l’effet possible qu’ils récolteront. Ils n’imaginent cependant pas qu’à leur tour, ils peuvent devenir les victimes des réseaux sociaux. Ici, c’est le cas puisque l’identité reconnue d’un des coupables produit des représailles. Il est aussi important de rappeler que diffuser des informations et faire justice soi-même est interdit par la loi.
Les réseaux sociaux entrainent-ils plus de violence ?
Ces médias ne produisent pas de violence supplémentaire, celle-ci a de tout temps été présente. En revanche, elle la rend visible différemment, car il n’y a plus le filtre journalistique pour en contrôler la diffusion. Je pense que les médias sociaux ne sont en soi ni bien ni mal. Tout est une question de point de vue. Si nous vivons dans une dictature et qu’un tel dispositif permet de contourner la censure, alors on peut trouver que c’est bien ! Il faut donc se garder de tout jugement définitif. Il faut surtout se demander comment on peut réguler, éduquer et utiliser au mieux ces nouveaux médias.