Gardien de la paix pendant quatre ans dans le Val d’Oise, Fred, étudiant dans la métropole lilloise, accepte de témoigner anonymement sur les dessous du métier pour Circonflex Mag.
Circonflex Mag : Comment avez-vous décidé de rentrer dans la police ?
Fred : C’est une vocation que j’ai depuis tout petit. Quand j’étais enfant, j’admirais les policiers, je leur disais bonjour dans la rue. J’ai toujours voulu œuvrer pour une cause noble et j’ai ressenti ce besoin de rendre service à la population. Après mon bac, j’ai réussi les concours d’affectation en Ile-de-France et j’ai suivi un an de formation.
À 18 ans, passer du lycée à la police, cela a dû être un sacré palier. Ce changement de vie n’a pas été trop dur ?
Non, car c’est ce que j’avais toujours voulu. Je peux dire que globalement, j’ai été bien encadré et formé par mes collègues. Même en tant que petit nouveau, je n’ai jamais fait l’objet d’un traitement différent des autres. L’esprit de corps s’impose vite !
Quels aspects du métier de policier avez-vous particulièrement appréciés ?
La Police vous offre plusieurs possibilités de carrière, c’est un des gros avantages de ce métier : on peut devenir maitre-chien, motocycliste, enquêteur, entrer dans la police scientifique, et j’en passe ! Moi, ce qui m’a plu dans une unité de sécurité publique, c’est d’être au cœur du problème, au contact des gens par le biais de la prévention mais aussi de faire respecter le droit et les valeurs républicaines.
Le problème vient d’en haut.
À l’inverse, y a-t-il certaines choses moins faciles à vivre dans une carrière de policier ?
Le plus compliqué, c’est le manque de reconnaissance. D’une part, venant de la population, mais plus encore, venant de notre hiérarchie. Je dénonce chez nos officiers un sentiment d’ingratitude, ils ne donnent pas assez d’importance au travail que fournissent les exécutants. A croire qu’ils se soucient plus de leur carrière que des besoins de la population. Le problème vient d’en haut.
Comment jugez-vous le regard de l’opinion publique sur la police ?
Dire que les Français n’aiment pas la police serait une grossière généralité, qui plus est erronée. Il faut être honnête : de manière générale, les choses se passent bien et l’échange existe. Les gens n’ont pas attendu les attentats de Charlie ou du Bataclan pour nous faire confiance. On a vu les images des policiers et des gendarmes se faire applaudir partout en France car la population était sous le coup de l’émotion. Mais j’ai l’impression que c’est une relation « je t’aime moi non plus ». Quand la société se porte bien, l’Etat et les fonctionnaires tels que les profs bénéficient d’une meilleure image. Et quand la société doute, l’Etat est la première victime des critiques, alors les policiers en pâtissent.
Les interventions musclées font partie de notre quotidien.
Des évènements tragiques se sont déroulés ces derniers mois (agression et viol du jeune Théo, mort d’Adama Traoré lors d’une interpellation…), mettant en cause le comportement des policiers. Quel regard portez-vous sur ces affaires ?
J’ai confiance en la justice car elle est là pour rétablir la vérité. Elle agit généralement avec sérénité et impartialité, contrairement à la foule. Pour prendre les bonnes décisions, il ne faut ni tomber dans l’émotion ni dans le déni. Ce genre de drame est rarissime si l’on regarde le nombre d’interventions des forces de l’ordre. Mais en tant qu’ancien policier, je dois reconnaître que les interventions musclées font partie de notre quotidien. Notre mot d’ordre est d’agir dans le respect du cadre légal, c’est-à-dire proportionnellement à l’agressivité de la personne en face. Il ne faut pas non plus être choqué de voir trois ou quatre policiers interpeller un seul individu. C’est justement le meilleur moyen pour que la situation ne dérape pas. En théorie…
La police est pointée du doigt dans les quartiers sensibles. Avez-vous déjà ressenti du racisme dans certaines interventions ?
Je ne vais pas vous cacher que j’ai déjà entendu des propos discriminatoires à l’encontre des individus mais aussi me concernant. Pour autant, la profession est très encadrée et des enquêtes internes sont menées par l’IGPN en cas de manquement aux règles déontologiques. Il y a un vrai travail qui vise à bannir ce genre de comportement.
Enfin, y a-t-il un aspect que la police devrait améliorer selon vous ?
Au-delà des moyens matériels, il y a toute une philosophie de société à revoir. Réarmer davantage, c’est bien. Améliorer l’appareil judiciaire, c’est encore mieux. L’Etat doit s’impliquer pour faire connaitre les droits mais surtout les devoirs de tous, sans distinction. La Police, ce n’est pas que la répression. Cela en fait partie certes, mais les politiques doivent faire en sorte que la prévention, la pédagogie et le dialogue constituent la solution pour apaiser les tensions.