Alors que les tensions entre Israël et le Liban continuent, Jacqueline, une Libanaise de 70 ans, qui vit au pays et qui a connu plusieurs décennies de troubles, a voulu raconter son histoire et son vécu. Aujourd’hui, avec les récents événements, des souvenirs douloureux remontent à la surface.
« Je suis née à Beyrouth, dans le quartier de Mrayje, où chrétiens et musulmans vivaient ensemble, comme dans une grande partie du Liban, dans une atmosphère de paix. C’était un Liban où tout le monde cohabitait. Peu importait la religion, il y avait une ouverture d’esprit qui n’existait nulle part ailleurs. Je me rappelle que les étrangers appelaient le Liban la Suisse du Moyen-Orient. »
Malheureusement, Jacqueline n’a pas eu le temps de profiter de ce Liban-là. L’Eldorado des années 1975 a été entraîné dans une guerre civile abominable qui a bouleversé le quotidien de la population. Beyrouth, qui était alors un symbole de modernité dans la région, est devenu un champ de bataille. Les tirs, les bombes, la destruction des bâtiments et des infrastructures se sont multipliés. « Nous avons dû quitter notre maison, l’épicerie de mon père, tout abandonner, et nous nous sommes réfugiés dans un village du Mont Liban. »
Après une guerre civile interminable qui a duré 15 ans, la paix est revenue. Mais le pays est en ruines. « Nous étions épuisés, mais déterminés à faire renaître notre beau pays. » Tout devait être reconstruit : les immeubles, les routes, les quartiers. Tout le monde a repris sa vie quotidienne, retrouvant ainsi un peu d’espoir.
« À chaque fois que nous nous relevons, un nouveau problème nous tombe dessus. »
Aujourd’hui, la situation au Liban est catastrophique, avec la crise économique, l’explosion du port, et maintenant la guerre qui vient donner un nouveau coup de massue à la population. « Les bombardements israéliens me rappellent l’horreur que nous avons vécue dans le passé. Pour moi, le plus douloureux, c’est d’imaginer que mes petits-enfants grandissent dans un Liban encore instable, où la paix n’a été que de passage, et où le pire est de retour. » Elle a l’impression que le Liban est et sera toujours lié à son passé terrible, « À chaque fois que nous nous relevons, un nouveau problème nous tombe dessus. »
« L’éloignement reste difficile à supporter. »
Attachée à son pays malgré tous ses problèmes, Jacqueline n’a jamais eu l’envie de partir. Des membres de sa famille vivent à Lille, loin des difficultés que connaît le Liban depuis quelques années. Tristes et impuissants face à la situation du pays natal. La grand-mère sait que l’un de ses petits-fils est profondément touché par tout ce qui se passe au Liban. Elle est fière de le savoir engagé, présent au rassemblement de soutien qui a été organisé à Lille. Savoir que ses enfants sont loin de tout ça, en sécurité et en train de construire leur avenir l’apaise énormément, même si l’éloignement reste difficile à supporter.
Jacqueline en est certaine, malgré les épreuves endurées, ses petits-enfants pourront un jour retourner dans un pays apaisé. Elle tient à ce que l’histoire ne soit pas oubliée :« Je veux que mes petits-enfants sachent ce que nous avons vécu, et d’où nous venons, afin qu’ils comprennent l’importance de vivre en paix. »