Avec une hausse des prix sur les produits essentiels qui oscille entre 7 et 10%, de nombreux étudiants, déjà fragilisés par deux ans de Covid-19, se retrouvent dans une situation financière compliquée. Nous avons rencontré les bénévoles de la Fédépicerie, une épicerie solidaire créée par des étudiants pour des étudiants.
« Les prix ont augmenté, mais mes ressources, elles, non ». Un constat douloureux pour Maylis, 19 ans, étudiante à Lille. Comme elle, face à la hausse des prix, de nombreux étudiants se retrouvent en situation de précarité. Premier poste à en subir les conséquences : les loisirs. Plus grave encore : certains renoncent à des dépenses pour leur santé ou leur hygiène. Et diminuent le contenu de leurs assiettes… Voici les raisons pour lesquelles en septembre, Maylis est allée frapper à la porte de la Fédepicerie.
« Un cadi de 10 euros chez Carrefour, on le paye 1 euros à la Fédépicerie »
La petite boutique, à deux pas de l’hôtel Académique de l’Université Catholique, accueille une épicerie solidaire créée par la Fede (Fédération des étudiants de l’Université Catholique de Lille) en 2012. Elle vient en aide aux étudiants précaires. L’asso considère qu’un étudiant est en situation de précarité à partir du moment où il dispose de moins de 8,50 euros par jours, soit 255 euros par mois pour vivre, après avoir payé toutes ses charges. Une fois leur dossier validé par un des membres de l’épicerie, les inscrits bénéficient d’un panier de 11 euros par mois pour faire leurs courses. Les produits étant 90% moins chers que dans une grande surface, cela représente une somme non négligeable … Par exemple, ils paieront dix centimes leur paquet de 500 grammes de riz. Des étudiants de toute la métropole lilloise peuvent se rendent à l’épicerie, elle n’est pas uniquement réservée à ceux de l’Université Catholique de Lille.
« On ne peut pas faire toutes nos courses car l’épicerie ne dispose pas de tous les aliments, mais je suis tellement reconnaissante de pouvoir compter sur cette aide », explique Maylis. Dans les rayons, on trouve des boites de conserves, des fruits et des légumes, des fournitures scolaires. Pas de viandes ou certains autres produits frais. « Un cadi de 10 euros chez Carrefour, je le paye 1 euro à la Fédépicerie. En plus, je peux acheter de vrais bon fruits et légumes qui viennent d’un producteur local, ce que je ne pouvais pas me permettre avant », s’enthousiasme Maylis. La boutique tourne en grande partie grâce aux bénévoles, étudiants eux aussi. « Le projet humanitaire m’a tout de suite plu, il y a une très bonne ambiance entre les bénévoles et les bénéficiaires », raconte Arthur Vié, en deuxième année de licence de Droit et Science Politique à la Catho et bénévole à la Fédépicerie. Et même si son emploi du temps s’en trouve très chargé, pas question pour lui d’abandonner la place : « ce projet me tient à cœur, je suis content de pouvoir aider les gens dans le besoin, d’autant plus que la situation actuelle ne s’arrange pas. »
« Tout coûte plus cher que l’année dernière, nous devons faire attention »
La Fédépicerie veut continuer dans la direction qu’elle s’est fixée : proposer des produits à des prix très bas. Pourtant, la tâche se complique. Même s’ils peuvent toujours compter sur le soutien de magasins qui leur font des dons, de l’Université Catholique de Lille et de sa fondation, de l’Andes (l’Association nationale des Épiceries Solidaires) qui chaque année donne une somme d’argent à l’épicerie pour qu’elle puisse fonctionner. Glory, en Master de droit à la Catho et bénévole depuis un an, le constate, « les prix ont énormément augmenté. Tout coûte plus cher que l’année dernière, nous devons faire attention ». Certes, à ce jour, 83 personnes sont inscrites à l’épicerie, un nombre pas forcément en hausse. « C’est encore le début d’année, beaucoup d’étudiants ne savent pas que nous existons », précise Arthur. Mais s’ils veulent pouvoir répondre aux besoins des étudiants précaires comme l’épicerie le fait depuis 10 ans, les bénévoles doivent se résoudre à mettre en place un certain nombre de mesures. Par exemple, limiter le nombre d’aliments qu’une personne peut prendre par catégories de produits, pour que tout le monde puisse avoir accès à tous les produits
« On va certainement devoir un peu augmenter les prix »
Malgré l’inflation, la Fédépicerie a décidé de ne pas changer les conditions d’accès à l’épicerie, c’est-à-dire avoir des ressources inférieures à 255 euros par mois : elle estime que c’est déjà très peu. Mais Glory et son équipe réfléchissent à jouer sur d’autres secteurs : « on va certainement devoir augmenter un peu les prix, nous voyons la semaines prochaine les assistants sociaux pour en discuter ». Tout en restant bien entendu très en dessous des prix des supermarchés classiques.
On souhaite vraiment que des solutions pérennes puissent être trouvées pour que chacun -épicerie, bénéficiaires et bénévoles- y trouve son compte. Mais de nouvelles solutions au niveau national ne devraient-elles pas être mises en œuvre pour lutter contre la précarité étudiante quand on sait qu’en France, selon l’INSEE, un étudiant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
Sophie Oger
La Fédépicerie : - 70 Boulevard Vauban, Lille - Ouverte de 12h à 14h et de 16h à 19h du lundi au vendredi - Lien pour s’inscrire : https://lift.bio/fedepicerie