Nous n’arrivons pas à trouver un appartement à cause de nos origine.

Envoyer un proche « à la peau blanche » visiter un appartement à sa place ou changer de nom sur un dossier : c’est parfois la seule solution pour une personne noire ou arabe de trouver un appartement.

Cécilia et Selim, deux étudiants en master de 24 ans, ont commencé leurs recherches il y a quatre mois. Lui a des origines tunisiennes, elle est métisse. Entre mi-novembre et mi-décembre, le couple a fait jusqu’à quatre-vingts visites et envoyé une cinquantaine de dossiers, sans succès.

Quand leur candidature a finalement été acceptée par une agence, Cécilia et Selim ont signé le bail, donné leur préavis et préparé leurs déménagements, enthousiastes à l’idée de pouvoir s’installer ensemble après avoir vécu en colocation. Il ne manquait que la validation et la signature du propriétaire..« Mais au moment où je m’apprêtais à louer une camionnette, l’agence nous a appelés pour dire que celui-ci avait changé d’avis et qu’il ne voulait pas nous louer l’appartement. L’agence s’est excusée, ils étaient mal à l’aise. Il,a fallu tout reprendre à zéro.On a failli abandonner une dizaine de fois. Psychologiquement, c’était usant. On s’embrouillait tous les jours. »

Le couple a remarqué que c’était surtout le nom de Selim qui posait un problème, celui de Cécilia ne laissant pas présumer ses origines. « Sur la même annonce, Selim appelait et l’appartement était déjà pris, alors que moi, j’obtenais un rendez-vous. Une fois, il est allé visiter un appart et on lui a dit qu’il était pris. J’ai appelé l’agence par hasard pour le même bien, pensant qu’on ne l’avait pas encore vu. On m’a dit que je pouvais venir le voir. Puis j’ai indiqué le nom de mon conjoint et tout à coup, ce n’était plus possible, l’appartement n’était plus disponible. Clairement, le propriétaire ne voulait pas d’Arabe ou de musulman. »

 

« Que faut-il que je fasse ? Falsifier mes papiers ? »

Safia*, une Algérienne de 42 ans résidant en France, a elle aussi été confrontée aux refus récurrents de son dossier de location. Arrivée à Lille pour un nouveau projet professionnel dans la communication après avoir vécu en province, elle a passé plusieurs mois à tenter de trouver un toit sans y parvenir, malgré un bon garant « français de souche »

Il lui est même arrivé de changer son identité sur son dossier, pour pouvoir au moins passer la première barrière de la sélection et visiter des appartements. « On me voit arriver en disant : « Ah, mais c’est vous ? » Et moi, j’admettais que j’avais changé mon nom pour pouvoir visiter, car je ne m’en sortais pas. Le proprio ou l’agent immobilier me rétorquait qu’il n’était pas raciste et qu’il me rappellerait, ce qui n’est jamais arrivé. »

La mère célibataire a donc fini par emménager avec son enfant chez une connaissance. Selon elle, cette situation a impacté sa santé – insomnie, prise de poids, stress. Face aux nombreux refus, elle s’est sentie acculée, ne sachant plus quel stratagème utiliser. « J’ai même écrit une lettre de motivation que j’ai jointe au dossier, dans lequel j’expliquais que je suis arabe, mais que je ne suis pas une mauvaise personne, ni une terroriste. Que faut-il que je fasse ? Falsifier mes papiers ? Quand on en arrive à devoir se justifier sur son nom, ce n’est pas normal. »

« À une amie noire, on a rétorqué qu’elle était sympa, mais qu’elle allait faire venir toute sa famille et que ça allait « sentir. »

Des témoignages, il ressort que les discriminations ne sont pas forcément les mêmes en fonction des personnes. Elles croisent des préjugés basés aussi bien sur la race que le genre ou la religion. Les personnes noires vivent une situation encore différente. Aminata, avocate en couple avec un homme blanc, rencontre des difficultés à trouver un logement depuis qu’elle est étudiante. Elle aussi a appelé une agence pour un appartement disponible et qui ne l’était plus lorsqu’elle s’est présentée à l’agence, puis l’était à nouveau quand l’une de ses amies, blanche, a rappelé.

Cet été, elle s’est à nouveau déplacée dans une agence pour un bien dont on lui a assuré qu’il était déjà loué. Quand son compagnon y est allé, on lui a répondu que l’appartement était libre, alors que son dossier était moins bon et gagne deux fois moins qu’elle.

« On perd de l’énergie dans ces recherches et ça met un coup au moral. À une amie également noire, on a rétorqué qu’elle était sympa, mais qu’elle allait faire venir toute sa famille et que ça allait sentir. On passe pour des mauvais locataires et cela repose sur des préjugés racistes dégueulasses ».