Vous l’avez sûrement vu en vous baladant dans les rues de Lille. Métros, murs, affiches et autres supports en tous genres : les graffitis de Soma sont partout. Pratiquement né avec une bombe de peinture dans les mains, il nous confie sa double vie de graffeur dans les rues de Lille, une ville avec ses dangers et ses secrets. Pendant une journée, nous l’avons suivi. Portrait d’un artiste que l’on voit beaucoup mais qui se confie peu !
Soma est un jeune lambda, la vingtaine et d’un naturel très discret et distant. Vers 14 heures, il nous donne rendez-vous pour une interview dans un lieu abandonné de la ville de Roubaix. Le visage camouflé par des tissus, la voix rauque et le regard perçant, il nous livre les détails de sa double vie.
Le jour, il gagne sa vie en travaillant comme cuisinier dans un restaurant populaire de Lille. Mais à la nuit tombée, il revêt le costume de vandale, un genre de peintre compulsif qui repeint les façades de la ville en y apposant sa signature. « Un genre de Batman sans la caisse et sans la gloire, pour un art qui se veut libre et gratuit » ajoute-t-il ironiquement.
Dans ce petit monde, beaucoup se connaissent. C’est ce qui l’amènera à rejoindre le crew (groupe d’artistes peintres ou graffeurs, ndlr) RGT. « C’est les quelques personnes avec lesquels je m’entends dans ce que je peins et dans mes valeurs » ajoute-t-il en jouant avec sa bombe entre ses mains.
Pris d’une passion dévorante pour le monde du graffiti sur les bancs du collège, les répercussions de ses actes lui amèneront beaucoup de problèmes très tôt dans la vie. Mais c’est ce qui fait que l’on reconnaît un « vrai » d’un « toy ». Pour Soma, les problèmes que l’on pourrait voir dans cette pratique alimentent sa ferveur et sa soif de liberté. « Quand une amende ou une convocation arrive, les gens se défilent. Comme dans tous les milieux, il y a ceux qui s’accrochent et les autres ».
La liberté est un terme récurrent chez les graffeurs. Chez Soma, elle réside avant tout dans le fait de braver un interdit à des fins artistiques et gratuites pour tous. Loin des clichés du street-artiste ou du graffeur de rue repenti et qui expose enfin en galerie. « Le graffiti me fait me sentir libre et m’apporte de l’adrénaline, la notion d’exploration et la rencontre de plein de profils différents ».
« Même enfermé, je pense que je continuerais à gratter les murs »
La ville de Lille est un lieu d’expression à elle seule. Le regard vers le ciel, Soma évoque ses nuits lilloises. « La nuit, on y voit la misère des gens qui dorment dehors et les fêtards qui rentrent chez eux en titubant. Mais par-dessus tout ça, le calme, le silence et les lumières de la ville. Lille est belle la nuit ».
Pour lui, rare sont ceux qui peuvent graffer seul. Dans ce milieu, les égos dominent et quelques agressions peuvent survenir. « J’ai déjà assisté à des rackets par d’autres graffeurs ou des flics qui tabassaient ».
Au fur et à mesure des anecdotes, il délivre un conseil marrant qui lui aurait évité de nombreuses gardes à vues. « Le mieux, quand tu dois faire une grosse pièce dans une grande rue exposée, c’est simplement de faire comme si tu ne faisais rien de mal. Comme si tu étais payé par le magasin ou que tu participais à une fresque communautaire ! Il faut se sentir légitime, avoir bien fait son repérage et avoir un bon poto pour faire le guet ».
Il est 22 heures quand la session de graffitis et l’échange se concluent. Une dernière question « Soma, es-tu fou ? » Il éclate de rire et conclut « Même s’il faut une certaine folie pour faire vivre cette passion, je ne pense franchement pas être fou … Juste carrément passionné par le truc ! ».